A partir du 28 juin 2025, tous les nouveaux produits et services commercialisés devront respecter les normes d’accessibilité définies par l’Union européenne. Cette directive, contraignante, oblige la Belgique à s’y conformer sous peine de sanctions. Des exigences qui peuvent parfois s’avérer difficiles à appliquer.
L’European Accessibility Act (EAA) est une directive qui oblige les nouveaux produits et services mis sur le marché à répondre à des obligations d’accessibilité afin de garantir un accès équitable, en particulier pour les personnes en situation de handicap. Cela concerne notamment les ordinateurs et systèmes d’exploitation, les distributeurs automatiques de billets, les distributeurs de titres de transport, les smartphones ou encore les services bancaires. «Quand vous êtes sur un site web, vous pouvez cliquer sur plusieurs points. Mais certaines personnes ne maîtrisent pas, par exemple, l’utilisation d’une souris et naviguent au clavier. Il faut donc pouvoir tout faire au clavier sans souris», explique Sophie Schuermans, experte en accessibilité numérique.
Cette directive ne concerne pas seulement l’accessibilité numérique. «Une personne qui a des besoins d’accessibilité doit pouvoir se déplacer jusqu’à sa banque et utiliser les automates, mais elle doit aussi pouvoir faire ses courses ensuite. Si elle a quand même besoin d’un coup de main pour utiliser un terminal de paiement, ça ne va pas», indique Mathieu Angelo, directeur du Collectif Accessibilité Wallonie Bruxelles (CAWaB).
Initialement adoptée en 2019, l’EAA imposait aux Etats européens de transposer la directive dans leur droit interne jusqu’au 28 juin 2022, pour une mise en application complète le 28 juin 2025.
Qui contrôle l’accessibilité en Belgique?
Depuis une directive européenne de septembre 2020, tous les services publics belges doivent adapter leurs sites internet pour être accessibles aux personnes en situation de handicap et améliorer l’accès pour tous. Plus de 180 sites du secteur public fédéral seront audités en 2025 par le service fédéral de l’Accessibilité Numérique.
Concernant les entreprises privées, c’est le SPF Economie qui est en charge de faire respecter une partie de l’EAA: «La Direction générale de l’Inspection économique («DGIE») a été désignée pour le contrôle des services de commerce électronique et pour les services bancaires aux consommateurs. Pour ces matières, la transposition en droit belge de la directive EAA a déjà été opérée par la loi du 5 novembre 2023», affirme Etienne Mignolet, porte-parole du SPF Economie.
Certaines entreprises ne seront pas contrôlées dès l’entrée en vigueur de la directive. «Enormément de choses ont été mises en place pour laisser du temps aux entreprises et aux fournisseurs de services de se mettre aux normes. Par exemple, si les produits étaient déjà sur le marché ou en cours d’achat, ils ont parfois jusqu’à dix ans pour pouvoir se conformer aux normes. Donc ce n’est pas une réforme qui va changer du tout au tout, du jour au lendemain», précise Mathieu Angelo.
Les entreprises qui emploient moins de dix personnes et dont le bilan annuel n’excède pas deux millions d’euros seront également exclues du champ d’application de la loi pour une durée de cinq ans.
Plusieurs sanctions sont prévues par le gouvernement. «En ce qui concerne les matières relevant des compétences de la DGIE, la loi prévoit plusieurs sanctions possibles, allant de l’établissement d’un avertissement à une sanction de niveau deux (208 à 80.000 euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise). En cas de mauvaise foi, une sanction de niveau trois peut être imposée (maximum 200.000 euros ou 6% du chiffre d’affaires annuel)», souligne le porte-parole du SPF.
Quelles difficultés pour mettre en place l’EAA?
Les principales préoccupations résident dans le coût élevé de la mise en conformité pour les petites et moyennes entreprises, la complexité des normes techniques à respecter, et le besoin de sensibilisation et de formation en matière d’accessibilité.
«Le manque de connaissances des normes constitue la base du problème et n’est pas pris en compte de manière structurelle. Les entreprises ont encore un peu trop tendance à considérer ça comme un projet qu’on va faire une fois, mais l’accessibilité c’est quand même assez technique, ça touche par exemple aux codes du site Web et aux applications. Quand on attend qu’un site soit déjà fini pour s’en préoccuper, c’est un peu décourageant et c’est un coût plus élevé parce qu’il faut réécrire, recorriger des choses si ce n’est pas accessible, alors que quand on s’en préoccupe depuis le début ou qu’on a des personnes qui ont l’habitude de travailler là-dedans, ça va mieux», indique Sophie Schuermans.
La Belgique et l’accessibilité, bon ou mauvais élève?
En 2024, des milliers de sites européens ont été testés pour jauger leur accessibilité numérique. Les résultats de ce rapport de Digital Trust Index indiquent que 94% des 7.408 sites web belges testés ne respectent pas les critères d’accessibilité établis par l’EAA. La Belgique se classe septième sur 18 pays européens. Parmi les critères qui ne sont pas respectés, on retrouve un contraste de couleur insuffisant et un manque de texte descriptif pour les images, les liens et les boutons.
A l’heure actuelle, les améliorations de l’accessibilité en Belgique dépendent davantage d’impulsions individuelles de la part d’entreprises et d’organisations désireuses de changer les choses. «C’est comme ça qu’on évolue pour l’instant, par initiative. Et c’est cette philosophie-là qu’on aimerait bien voir évoluer. Au lieu d’avoir des initiatives individuelles proactives, on aimerait que ce soit un mouvement collectif pour que tout soit accessible», revendique le directeur du CAWaB.
Reste à savoir si les campagnes de communication prévues par le SPF Economie seront suffisantes et que les sanctions prévues seront bien exécutées à partir du 28 juin.
Nassim Kashkooli