Corée du Nord
Pas simple de filer le parfait amour sous les interdits de la Corée du Nord. © GETTY

Comment le poids de la dictature entrave l’amour à Sinuiju en Corée du Nord

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

A travers un roman à la Roméo et Juliette, l’écrivain Nicolas Gaudemet expose tous les diktats du régime de Corée du Nord et leurs conséquences sur la vie intime des citoyens.

Il est difficile de percevoir ce que peut être la vie quotidienne des Nord-Coréens sous la dictature de Kim Jong-un quasi imperméable au regard étranger. L’écrivain Nicolas Gaudemet, fort de ses connaissances et d’un séjour sur place, réussit à nous en donner un aperçu à travers son roman-récit Nous n’avons rien à envier au reste du monde (1), un Roméo et Juliette sous le ciel de Sinuiju, ville de l’ouest du pays frontalière de la Chine, qui, comme la pièce de Shakespeare, ne se termine pas dans la félicité.

Quelques échelons de «songbun», le classement sociopolitique des citoyens, séparent Yoon Gi, fils d’une vendeuse de «produits d’origine douteuse» au marché central et dont une cousine a fui en Corée du Sud, et Mi Ran, fille d’un membre de l’élite du régime. Mais l’amour n’en a que faire, et d’approches timides en escapades plus audacieuses, les deux jeunes gens vont forger une relation profonde et, pensent-ils, secrète. Conditionnée au respect des règles imposées par le système, une proche compagne de classe, Eun Sook, va trahir Yoon Gi et l’entraîner dans un engrenage qui le poussera à l’exil et le séparera de Mi Ran avant des retrouvailles éphémères qui tourneront à la tragédie.

Ce récit plein d’humanité dévoile en miroir toute l’inhumanité de la dictature.

Ce récit plein d’humanité dévoile en miroir toute l’inhumanité de la dictature nord-coréenne. Il en va ainsi du poids d’un système aliénant que les étudiants tentent de contourner, par exemple en s’accordant d’avance pour se dénoncer entre camarades mais avec bienveillance lors des séances d’autocritique imposée. Ou de l’hypocrisie de l’appareil dirigeant qui dénonce officiellement les importations de biens de Chine ou de Corée du Sud tout en fermant les yeux sur la pratique parce qu’elle profite à ses membres. Ou encore de la force de la propagande qui fait croire à Yoon Gi que la ville voisine chinoise de Dandong, dont il s’étonne qu’elle soit en permanence illuminée, «n’est qu’une façade, un décor de béton peint et de projecteurs au bord du fleuve», contre-vérité qu’il pourra démentir une fois réfugié là-bas. Or, malgré la découverte de la réalité de la prospérité à la chinoise, perdurera dans l’esprit du fugitif à la fois la peur de la répression et la conviction que les réalisations du régime nord-coréen sont enviables et que, comme le slogan l’a claironné tout au long de son existence, «notre pays vaut plus que ma vie». Le pouvoir de l’endoctrinement.

(1) Nous n’avons rien à envier au reste du monde, par Nicolas Gaudemet, L’Observatoire, 160 p.

© DR

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