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Cinq jours, autopsie d’un amour: «J’entendais parler de lui tous les soirs. Il venait de devenir papa aussi»

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

«Cinq jour, autopsie d’un amour» raconte une fois par mois une histoire d’amour. Pas dans son entièreté, mais en épinglant cinq moments dans la vie d’un couple. Parmi tellement d’autres, mais tellement révélateurs.

Ce mois-ci: Adnan.

Jour 1

21 septembre 2013

Des invités sont venus du monde entier: Etats-Unis, Suède, Bosnie… Ca fait un an qu’on prépare ce mariage. Pour nous, c’était quand même quelque chose de sacré. On a tenu à tout financer nous-mêmes, sans passer par nos familles, pour ne pas être restreint et pouvoir tout organiser comme on le veut. La journée commence par le mariage religieux à la mosquée, puis à la commune. Toute la cérémonie est un mélange de nos deux cultures, jusqu’à la nourriture: on a pris un traiteur belge et ajouté des spécialités de chez nous.

Jamais je n’aurais imaginé que ce petit message envoyé sur Facebook aurait abouti à ça. C’était en septembre 2008, à la rentrée dans le supérieur. Un jeudi. J’étais heureux de passer en deuxième année, et j’avais regardé la liste des étudiants de première, juste comme ça. J’avais repéré son nom, parce qu’il était bosniaque, et je lui avais écrit sur Facebook, une appli méconnue à l’époque, dont un oncle qui vit aux Etats-Unis m’avait parlé. C’était juste un petit mot, du genre «De par ton prénom, je vois que tu viens des Balkans, moi aussi!» Elle m’avait répondu, agréablement surprise. Cinq ans plus tard, devant tous ces invités venus des quatre coins de monde, on se dit «oui».

Jour 2 | 5 juillet 2021

L’accouchement est prévu dans un mois. Sa grossesse est très difficile. Même au travail: je la sens au bord du burnout. J’ai envie de l’aider à trouver une solution. Mon langage de l’amour, c’est former une équipe, se soutenir, s’épauler.

Elle lit des offres d’emploi sur la tablette, dans le canapé. Elle tombe sur une job description incroyable, très alléchante, idéale pour elle. Mais qui voudrait embaucher une femme enceinte de huit mois? «Postule quand même», lui dis-je. «Joue-la honnête, précise que tu seras disponible après ton congé maternité.»

Une semaine plus tard, une responsable des ressources humaines l’appelle: «Venez quand même à l’entretien.» On prépare le rendez-vous ensemble, je la briefe en anglais. Le 9 août, le jour de la naissance de notre seconde fille, elle reçoit son offre d’emploi. 2022 va être une année incroyable. Tout roule, on forme un couple modèle, même aux yeux de nos familles.

Deux mois après l’accouchement, comme elle allait avoir besoin d’anglais pour son nouveau boulot, je l’encourage à rejoindre son frère, qui habite à Londres, pendant un mois. Je m’en fiche, je me débrouille avec les filles, car je veux qu’elle saisisse pleinement cette opportunité professionnelle. D’autant plus dans notre culture où les femmes travaillent certes peut-être, mais doivent quand même souvent la fermer. Mais ce n’est pas ma conception. Je veux qu’elle soit mon égale et que l’on soit tous les deux, dans nos carrières respectives, au même niveau. Je ne réalise alors pas encore que c’est une erreur.

Jour 3

7 avril 2022

On a loué un théâtre de marionnettes, pour fêter l’anniversaire de notre aînée. La trentaine d’invités présents ne se doute absolument pas de ce que je suis en train de ressentir. Poker face. Je participe à la fête comme si de rien n’était, comme si je ne venais pas de lire cette conversation Teams sur sa tablette, entre son chef et elle.

J’en entendais parler tous les soirs depuis janvier, de lui. Ils ont le même âge, il vient de devenir papa aussi. Je lui avais dit de se méfier, quand même. Très honnêtement, elle m’avait confié qu’il avait demandé à l’embrasser, mais qu’elle avait refusé. Leur conversation Teams raconte une autre histoire. Ses messages à lui sont certes plus osés, mais ses réponses à elle ne laissent pas de place au doute.

Il fallait que je vérifie. Mais je tombe quand même des nues. Comment a-t-elle pu faire ça? Je ne sais pas pourquoi j’ai voulu savoir ce jour-là, en pleine fête de famille. Soit je tapais un scandale devant tout le monde, soit… j’ai attendu que l’ensemble des invités soit parti pour la confronter. Elle reconnaît qu’il est amoureux d’elle. Elle, elle ne sait pas. Elle promet de mettre de la distance. Mais elle ne veut pas démissionner, ce job, c’est pour elle une opportunité professionnelle en or.

Jour 4 | Fin août, début septembre 2022

Elle vient chercher ses affaires chez nous. Enfin, ce n’est plus chez nous, et je ne le vois désormais que trop bien: toutes les armoires sont vides. Dans le dressing, seuls mes quelques vêtements subsistent. Dans la salle de bains, il ne reste plus que mon déo, ma brosse à dents, c’est tout. Ne plus voir toutes ses lotions, son maquillage, ses brosses dans cet appartement qu’on occupait à deux, c’est comme si ça coupait court à tout. C’est fini, désormais c’est même acté dans l’espace. Elle a pris son appartement, elle est partie.

«Je réalise que tout finit toujours par passer. La souffrance, la trahison, la tristesse.»

On l’a annoncé à nos familles, aussi. Le 28 août, en allant chez mes parents pour l’anniversaire de ma mère. Oui, on a le sens du timing. Tout le monde est tombé des nues. Vraiment. Aux yeux de nos proches, on formait le couple modèle: deux enfants, des projets immobiliers, deux belles carrières professionnelles, cette égalité entre nous qui était si peu commune dans notre culture. Ses parents ont tellement été choqués qu’ils sont partis en Bosnie. C’est dur, de rompre avec cette image de perfection.

J’aurais pu lui pardonner. Je crois. Même après tout ce qui s’est passé. Même après les avoir retrouvés, son amant et elle, dans une voiture. Je me disais que c’était une histoire dont on finirait par rire, quand on serait vieux.

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Jour 5 | 26 mai 2023

Je finis par l’inviter au restaurant. Ça fait des jours qu’on échange des messages. C’est la maman d’un copain de classe de ma fille aînée. Comme ils s’entendent super bien, un dimanche, j’avais envoyé un texto, pour savoir si le petit voulait venir se promener avec nous dans les bois du Sart Tilman. Elle avait accepté et… était venue avec nous. On avait passé un très bel après-midi, à se balader avec les enfants.

Dans ce restaurant, évidemment, je ne sais pas encore si une histoire naîtra ou pas. Mais je réalise que tout finit toujours par passer. La souffrance, la trahison, la tristesse: alors donc oui, ça finit donc bien par passer…

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