Collage of British bulldog with red bark against blue background © Getty Images

Plus bruyant qu’une alarme ou qu’un concert de rock: quand l’aboiement du chien change la vie des propriétaires

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Les paramètres d’aboiements sont trop peu pris en compte lors du choix du chien que l’on adopte. Ce qui peut rapidement virer à l’enfer. Pour lui, ses propriétaires et le voisinage. 

Depuis treize ans, c’est Charlie qui détient le record du monde, selon le Guinness World Records. Charlie? Un Golden Retriever originaire d’Australie. Le record? L’aboiement au plus haut volume sonore: 113,1 décibels (dB). Plus que le niveau de bruit d’un marteau pneumatique à cinq mètres ou d’une alarme (de 100 à 110 dB). Plus aussi qu’une machine à riveter (110 dB). Et autant qu’en plein concert rock «normal» (entre 108 et 114 dB, le groupe américain de métal Manowar ayant été enregistré à 139 dB à Hanovre, en 2008). En tout cas, pas si loin du seuil de la douleur pour l’oreille humaine: 120 à 130 dB. Un phénomène, donc, Charlie. Qui ferait un duo d’enfer avec la mezzo-soprano bulgare Smilyana Zaharieva, entrée elle aussi au Guinness Book, en 2019, avec son record de puissance vocale humaine: 113,8 dB… Bien plus, donc, que le Berger allemand, qui peut aboyer jusqu’à 108 dB. 

Derrière Charlie, rien n’est officiel. Parce qu’il n’existe pas de classement général du volume sonore des aboiements de chien selon la race. Mais «ce sont évidemment les chiens de grande taille et au museau large –ce qui leur permet d’ouvrir grand la gueule– qui ont un aboiement plus fort, plus grave et qui porte plus loin, comme le Berger allemand, le Golden Retriever, le Rottweiler, le Berger malinois, précise Juliette Willems, éthologue, comportementaliste animalier et fondatrice d’Animal Behaviour Center, à Jodoigne. Cela dit, leur aboiement peut être plus supportable que celui de petits chiens, plus aigu et plus perçant.» Et plus fréquent: «Là, les terriers sont en tête: Jack Russell, Cairn, Norfolk, Norwich, Yorkshire, Teckel (qui est statistiquement le terrier qui aboie le plus)… Ce n’est pas pour rien: ils sont courts sur pattes et allongés, pour pouvoir entrer dans les terriers des proies et nuisibles et y aboyer le plus intensivement possible, et de façon répétée, pour que leur maître chasseur les y retrouve –et les en dégage, souvent, parce qu’ils ne savent pas ressortir.»

Une dizaine d’aboiements, en fonction du message

Autrement dit: au moment de choisir la race du chien qu’on souhaite adopter, mieux vaut ne pas se limiter à l’esthétique, au poil ras ou long, aux vidéos attendrissantes sur Insta et au phénomène de mode. «Il faut prendre en considération la présence ou non d’enfants, si on envisage des activités sportives avec lui ou si on compte n’en faire qu’un chien de compagnie, s’il devra rester beaucoup seul, si on a du temps à lui consacrer», insiste Juliette Willems. On peut rajouter le type d’habitation –maison ou appartement?– et sa localisation –pleine ville ou campagne, isolée ou avec voisins tout à côté, au-dessus ou en dessous? 

Bref, reprend l’éthologue, «si on consultait davantage avant de choisir, il y aurait beaucoup moins de problèmes et beaucoup moins d’abandons, puisqu’on se déciderait en connaissance de cause». Dans cette démarche, le volet aboiement n’est pas le moindre. Parce que, selon la race –les exceptions existent, évidemment–, le chien aboiera (et parfois fort, et parfois longtemps) s’il reste seul, enfermé ou dehors, de jour comme de nuit, à chaque passage devant la porte d’entrée, la grille d’un autre chien, à chaque miaulement, chaque bruit de machine, chaque sirène de police, ambulance, pompiers… Ce qui peut rapidement tourner à l’enfer, pour ses maîtres, pour le chien et pour le quartier –bonjour la nuisance sonore et le tapage diurne et/ou nocturne (qui relève du règlement de police communal).

C’est que, resitue Juliette Willems, «l’aboiement n’est qu’un moyen de communication, comme toutes les autres vocalisations canines: le gémissement, le geignement, le hurlement, le grognement, le grondement. Il existe une dizaine de types d’aboiement, en fonction du message à faire passer, sachant que la colère n’existe pas chez le chien: l’aboiement d’alerte, qui est un enchaînement d’aboiements assez rapides, pour signaler que quelque chose se passe sur le territoire (une présence, un bruit…); l’aboiement de requête, unique et appuyé, qui exprime une demande (sortir, rentrer, se faire câliner); l’aboiement d’appel au jeu; l’aboiement crescendo d’excitation parce que le chien sait qu’il va faire une activité agréable…»

«Les chiens de grande taille et au museau large ont un aboiement plus fort, plus grave et qui porte plus loin, mais plus supportable que celui de petits chiens, plus aigu et plus perçant.»

Du très fort mais pas souvent au tout le temps et très aigu

Aux origines, cette question se posait moins: «L’aboiement est une caractéristique apparue avec la domestication du chien, il y a 27.000 ans. Ainsi, le loup n’aboie pas, cette vocalisation n’existe pas chez lui, alors qu’il est capable d’une quinzaine de hurlements, là où le chien n’en a gardé que trois. C’est en apprivoisant toujours plus des louveteaux, devenus chiens-loups puis chiens, au fil du temps, et en leur apprenant à communiquer avec lui, que l’homme préhistorique a sélectionné ceux qui vocalisaient le plus et prévenaient le mieux.» En remplissant des tâches différentes, comme la chasse ou la garde. Ce qui explique le haut volume sonore des aboiements de certaines races et leur fréquence, en matière de récurrence comme de son (aigu ou grave).

Ainsi, le Golden Retriever, comme Charlie, aboie très, très fort et dans les graves, mais pas souvent; le Chihuahua a une puissance riquiqui mais vocalise très, très fréquemment et plein pot sur les aigus; le Lévrier ne se fait que rarement entendre, et modérement; le Beagle aboie beaucoup, fort et assez haut; le chien de Castro Laboreiro part du grave pour terminer par un long aigu; le Redbone et le Husky la jouent hurlement, assez fort, le premier très régulièrement, le second très rarement; et le Basenji n’émet (selon les circonstances) qu’une sorte de gloussement, de hoquet, de grincement ou de hululement –on compare souvent ses vocalises à celles du yodel des régions germaniques alpines.

Comme le résumait le hors-série du National Geographic de février-mars 2022 –Nos amis les chiens–, «la taille est le principal facteur déterminant la fréquence d’aboiement. Plus le chien est petit, plus ses cordes vocales sont fines et produisent des sons de haute fréquence.» Sachant aussi que les races rangées par la Fédération cynologique internationale (FCI) dans le «type primitif  (Spitz et chiens nordiques de traîneau, de garde et de chasse) ont une tendance naturelle à aboyer moins fréquemment que leurs homologues domestiques modernes. Et souvent moins fort.

Bref, avant de se décider, il faut tendre l’oreille. Dans l’intérêt de tous, celui du foyer, du voisinage et de l’ami à quatre pattes.

Les aboiements selon la race du chien

Race Tonalité Fréquence

Saint-Bernard Très grave  Rarement 
Terre-neuve Très grave Rarement 
Dogue allemand Très grave Rarement 
Rottweiler Très grave Modérément
Golden Retriever Grave Modéréme
Berger allemand Grave Modéréme
Beagle Aigu Fréquemment
Terrier Aigu Fréquemment
Chihuahua Aigu Fréquemment

Délicat d’établir un classement précis et fiable de la fréquence (en Hz) et en intensité (dB) des aboiements. Les études scientifiques s’accordent très peu sur les mesures selon la race et sont inexistantes sur la hiérarchie du volume sonore. Par ailleurs, fréquence (son et récurrence) et volume varient, parfois fortement, selon les individus.


 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire