Depuis la crise du Covid, les personnes opposées aux vaccins sont plus nombreuses au sein de la société. Certaines mettent directement en danger leurs animaux domestiques en refusant de les faire vacciner.
Faut-il faire vacciner son animal de compagnie? En Belgique, aucun vaccin n’est obligatoire pour un chat ou un chien, excepté la rage si vous décidez de voyager avec lui dans l’Union européenne ou si votre compagnon à poils provient d’un pays étranger. La World Small Animal Veterinary Association (WSAVA), association regroupant des organisations vétérinaires du monde entier, a toutefois mis à jour en 2024 ses recommandations en la matière, avec plusieurs vaccins jugés essentiels vivement conseillés (sans compter les rappels éventuels): contre la maladie de Carré, l’hépatite de Rubarth, la parvovirose et la leptospirose pour les chiens ; contre le coryza (ou grippe du chat) et le typhus (ou panleucopénie) pour les chats. Le but étant ici de «protéger l’animal contre des maladies mortelles et développer une immunité collective qui limitera les risques d’apparition de la maladie».
«Des personnes dubitatives à plusieurs niveaux»
Mais pour certaines personnes, faire vacciner son chat ou son chien reste une hérésie, surtout depuis quelques années, avec une méfiance accrue envers les vaccins depuis le Covid-19. Aux Etats-Unis, où le ministre de la Santé Robert F. Kennedy Jr est un «vaccinosceptique» assumé, 52% des propriétaires d’animaux ont ainsi exprimé un certain doute sur l’efficacité ou l’importance de la vaccination selon une étude de 2023. Il n’existe pas de chiffres du genre en Belgique, ou même concernant le taux de vaccination des chiens ou des chats domestiques. Plusieurs vétérinaires confirment toutefois une évolution de la tendance «antivax» au sein de leur clientèle, même si elle reste encore marginale.
«Depuis la crise du Covid, on observe une transposition de certaines idéologies anti-vaccins issues de la médecine humaine vers la médecine vétérinaire. Ce sont des personnes dubitatives à plusieurs niveaux, pas seulement pour les vaccins: leurs doutes peuvent concerner les traitements préventifs, les antiparasitaires, ou même l’alimentation de leur animal», explique le docteur Laurence De Meester, présidente de la SAVAB (Small Animal Veterinary Association of Belgium), qui rappelle que la vaccination des animaux «protège contre des maladies graves, parfois mortelles, empêche le retour de pathologies que nous ne rencontrons plus grâce aux campagnes de vaccination, et contribue également à la protection de la santé publique lorsque les maladies sont zoonotiques (NDLR: transmise naturellement entre les animaux et les humains).»
Risques mortels pour l’animal
«C’est rare, mais j’ai déjà eu des personnes venant pour une consultation et qui n’avaient jamais fait vacciner leur chien ou leur chat. Elles ne voyaient pas pourquoi elles le feraient, renchérit Myrielle Mathieu, vétérinaire en région bruxelloise. Pour elles, l’industrie pharmaceutique nous ment pour nous obliger à faire ces vaccins aux animaux, elles évoquent des articles prouvant que la vaccination n’est pas efficace… Je n’essaie même plus de les convaincre du contraire, c’est une idéologie aussi forte ou ancrée qu’une croyance religieuse.»
Dans ce décompte impossible, il faut aussi évoquer les personnes ne consultant pas un vétérinaire, en raison d’un rejet général de la médecine, par exemple. «Elles ne retardent pas ni ne refusent la vaccination, elles évitent simplement toute discussion», souligne une étude australienne sur «l’hésitation vaccinale», relayée par la WSAVA. Difficile par contre d’inclure dans cette catégorie «antivax» celles et ceux pour qui le coût des frais de santé liés à leur animal de compagnie reste un frein: HelloSafe avait estimé à 2.410 euros le budget total annuel pour un animal de compagnie, dont près de 300 euros en frais vétérinaire, et sans compter les éventuelles visites d’urgence.
Mise en garde contre «la surcharge vaccinale et injustifiée»
L’existence d’effets secondaires liés à la vaccination des animaux, dans des cas très rares, est réelle et n’est pas niée par les médecins: chez les chats, un sarcome (une tumeur maligne cancéreuse) peut apparaître après l’injection d’un vaccin, par exemple. Pour autant, un animal sera bien plus en danger s’il n’a pas été vacciné, produisant l’effet inverse recherché par son propriétaire souhaitant le protéger contre les «risques» des vaccins. «Grâce à la vaccination, on voit de moins en moins de chiens atteints de parvovirose par exemple et heureusement: c’est une maladie mortelle chez les jeunes chiots dans plus d’un cas sur deux», souligne Laurence De Meester, pointant le rôle que peuvent jouer les réseaux sociaux dans le développement de certaines idées dangereuses. «Des informations partielles, déformées ou totalement fausses y circulent très rapidement, ce qui peut semer le doute».
«La médecine, humaine comme vétérinaire, doit être laissée aux médecins», rappelle la présidente de la SAVAB. «On ne demande pas conseil à son coiffeur pour une maladie de peau, ni à un vendeur de lunettes pour une conjonctivite. De la même manière, les décisions en matière de vaccination doivent s’appuyer sur l’expertise de professionnels formés». Les vétérinaires se réfèrent à la guideline de la WSAVA, qui met en garde contre «la surcharge vaccinale et injustifiée», mais aussi sur leur expertise scientifique, en prenant en compte les risques et les bénéfices pour adapter leurs protocoles selon l’animal qu’ils auront en face d’eux. Un chat «d’appartement» ne sortant jamais et ne voyant jamais ses congénères ne recevra pas les mêmes vaccins qu’un autre vivant la majorité du temps en extérieur, par exemple.
«Dans ces cas-là, on tente de soigner du mieux qu’on peut l’animal»
Myrielle Mathieu, vétérinaire
Ce type de discours peut suffire à rassurer les propriétaires sceptiques face à certains vaccins… mais pas tout le temps. «J’ai déjà eu des chiens ou des chats qui étaient malades à cause de l’absence de vaccins. Mais quand j’ai essayé d’expliquer cela à leur propriétaire, j’ai très vite compris à qui j’avais affaire… Dans ces cas-là, on tente de soigner du mieux qu’on peut l’animal», explique Myrielle Mathieu, «énervée» par ce genre d’attitude. Pour autant, rendre la vaccination obligatoire pour les animaux n’est pas la solution pour les professionnels interrogés. Les «antivax» représentent une minorité, tandis que les règles et recommandations actuelles suffisent à leurs yeux. Le dialogue reste ici la clé pour tenter d’expliquer la situation à une personne éventuellement récalcitrante à faire vacciner son animal.
«Ce n’est pas à nous de convaincre de quoi que ce soit», assure Laurence De Meester. «Si la personne a confiance en son vétérinaire, elle suivra ses conseils. Sinon, ce sera triste et dommageable pour tout le monde: ça ne coincera pas seulement au niveau des vaccins, mais aussi pour la prise en charge d’une pathologie par exemple.»