Sans solution pour faire garder leur animal de compagnie, certains Belges font une croix sur leurs vacances à l’étranger. © GETTY

Ces Belges qui se privent de vacances à cause de leur animal de compagnie: «Certains maîtres refusent de s’en séparer»

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Chaque année, des milliers de Belges font une croix sur leurs vacances à l’étranger en raison des contraintes logistiques liées à leur animal de compagnie. De plus en plus difficile à faire garder.

«Si je ne trouve personne pour garder Bounty, je serai obligée d’annuler mes vacances.» Cette petite phrase, glissée entre le fromage et le dessert lors d’un repas entre amis, brille par son pouvoir hautement culpabilisant. Comme toujours, une bonne poire, rongée par les scrupules, finira par se dévouer pour accueillir le lapin nain. «OK, mais pas plus de dix jours. Et tu laves sa cage avant de le déposer.»

Chaque année, à l’approche de l’été, c’est la même rengaine. Les propriétaires d’animaux de compagnie multiplient les appels pour dénicher un «pet-sitter» pour leur petite boule de poils. Si les plus organisés auront réservé leur pension des mois à l’avance, d’autres se retrouveront désemparés à quelques jours du départ. Pour éviter cette angoisse, certains maîtres préféreront tout bonnement faire une croix sur leur séjour. C’est en effet ce que révèle le «Baromètre des vacances 2025» de Touring: parmi les 17% de Belges qui ne prévoient pas de partir cet été, plus d’un sur dix (14%) invoque des contraintes logistiques liées à la garde d’un animal.

Pourtant, les options touristiques «pet-friendly» ne cessent de se multiplier ces dernières années. De nombreuses plateformes de location de vacances, comme Airbnb ou Booking, offrent désormais la possibilité de cocher l’option «animal admis» dans leur moteur de recherche. Un critère également pris en compte par les Gîtes et Chambres d’hôtes de Wallonie. Sur les quelque 900 hébergements proposés par le réseau, environ un tiers accepte aujourd’hui les toutous. «C’est une tendance à la hausse, qui s’est surtout développée depuis le Covid, précise le porte-parole, Khevyn Torres. De nombreuses personnes ont adopté un chien à cette période, ce qui a fait augmenter la demande pour ce genre d’options. Les propriétaires des logements se sont donc adaptés, même si certains restent un peu frileux, craignant des dégâts, des poils ou des risques d’allergie pour les autres locataires.»

Des critères stricts

Mais en Belgique, comme à l’étranger, cette option implique parfois un coût supplémentaire, fixé librement par les établissements. «Dans certains hôtels, le supplément peut grimper jusqu’à 30 euros par nuit, par animal, relève Julie Willems, éthologue et comportementaliste animalier. Donc si vous avez deux ou trois chiens, les prix peuvent vite s’envoler.» Sans parler des coûts liés au transport de l’animal: cage éventuelle, véhicule adapté…

La législation européenne qui régit le mouvement des animaux de compagnie (chien, chat ou furet) sur le territoire de l’UE est d’ailleurs très stricte. L’animal doit être âgé de plus de quinze semaines, être détenteur d’un passeport animalier, être identifiable par une puce électronique ou un tatouage clairement lisible, et être vacciné contre la rage. «Souvent, il faut prévoir une visite chez le vétérinaire avant le départ pour s’assurer que tout est en ordre, ce qui implique encore des dépenses supplémentaires», note Julie Willems.

Face à tant de contraintes, de nombreux propriétaires d’animaux préfèrent faire une croix sur leur voyage, plutôt que de partir sans un membre à part entière de leur famille. «Certains maîtres entretiennent une relation fusionnelle avec leur animal et refusent tout bonnement de s’en séparer, reconnaît Julie Willems. D’autres ne font pas confiance à leur entourage pour le garder, ou culpabilisent à l’idée de le laisser à un inconnu.» Des ressentis observés quotidiennement par Cindy Petit, directrice de la pension Le Paradis Pil Poil à Trazegnies (Hainaut). «Au moment de nous laisser leur animal, les maîtres sont généralement envahis par un cocktail d’émotions, reconnaît la directrice. Ils se sentent à la fois coupables, tristes et un peu anxieux. C’est un peu comme un parent qui laisserait son bout de chou à une nounou ou à la crèche pour la première fois. Mais au fur et à mesure, la relation de confiance se tisse.»

184 pensions agréées en Wallonie

Pour rassurer les maîtres, Cindy Petit n’hésite pas à leur envoyer régulièrement des nouvelles de leur animal de compagnie, photos à l’appui. Richard Vankueken, patron du Clebs’Med, a même été jusqu’à installer un système de caméras dans ses trois pensions. «Grâce à une application, les propriétaires peuvent observer leur chien ou leur chat à distance, expose le fondateur. Parfois, ils nous le déposent quelques jours avant de partir. Quand ils voient que l’animal s’épanouit bien, ils sont rassurés et confirment leur départ.»

Mais, encore une fois, les appels aux services de garde ont un coût. «Dans certaines pensions familiales, le prix peut varier entre 20 et 35 euros par jour», expose Julie Willems. Or, alors que 58% des ménages belges ont un animal de compagnie, la majorité ne se limite pas à une seule boule de poils, pointe la Belgian Petfood Association. «Pour trois chiens, le propriétaire devra donc vite dépenser plus de 100 euros par jour. Finalement, il devra presque débourser autant que pour sa nuit d’hôtel à l’étranger

«Au moment de nous laisser leur animal, les maîtres sont généralement envahis par un cocktail d’émotions. Ils se sentent à la fois coupables, tristes et un peu anxieux.»

Surtout, les pensions de qualité restent limitées en nombre. En Wallonie, seuls 184 établissements respectent les critères fixés par le SPW pour être agréés. Des pensions logiquement prises d’assaut à l’approche des congés scolaires. «L’été dernier, j’ai dû refuser plus de 1.000 chiens pour la période de juillet-août, se remémore Richard Vankueken. Cette année, ça risque d’être pire, car je suis déjà complet depuis des mois.» Même son de cloche au Paradis Pil Poil, qui affiche salle comble depuis février. «Pourtant, les demandes continuent d’affluer. Les gens s’y prennent souvent trop tard ou se retrouvent désemparés car leur ami ou leur collègue s’est finalement désisté pour la garde en dernière minute», observe la directrice hainuyère.

Difficultés comportementales

Un désistement qui peut s’expliquer par un départ simultané en vacances ou par… une prise de conscience subite de la charge de travail. «Pour un chat, quelques visites par semaine peuvent suffire, surtout depuis qu’il existe des distributeurs de croquettes et des litières automatiques, note le patron de Cleb’s Med. Mais un chien, ça demande beaucoup plus de travail. Il faut s’en occuper matin, midi et soir, et aller le promener régulièrement.» Un investissement important, qu’il n’est pas toujours facile d’imposer à un proche, et encore moins à un voisin avec qui on entretient à peine des relations cordiales.

Pour pallier ce manque de disponibilité dans l’entourage, différentes plateformes de «pet-sitting» ont vu le jour, comme Holidog ou Pawshake. Spécialisées en garde de moyenne et longue durées, ces applications mettent en relation des propriétaires et des gardiens, qui offrent leurs services contre rémunération. Mais là encore, le manque de confiance peut représenter un frein pour les maîtres.

En outre, de plus en plus d’animaux sont devenus aujourd’hui «difficilement gardables», relève Julie Willems. «On voit aujourd’hui beaucoup de chiens à problèmes, qui sont très réactifs envers les autres chiens, ou face aux vélos, aux voitures ou aux joggeurs, observe la comportementaliste. C’est devenu un motif de plus en plus fréquent de consultations ces cinq dernières années. Pour ce type de chiens, trouver une place dans une pension ou chez un dog-sitter sera d’autant plus difficile.»

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