Une boîte mail débordante est le facteur de stress le plus cité par les travailleurs belges à leur retour de vacances. © Getty Images

Angoissé par votre retour au travail? Comment éviter l’effet «fade-out» après les vacances

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Près d’un travailleur belge sur deux (47%) se dit stressé ou anxieux à l’idée de reprendre le travail après les vacances d’été. Une angoisse qui peut rapidement anéantir tous les effets bénéfiques des congés. La clé pour éviter cet effet «fade-out» réside dans l’anticipation.

Des montagnes à perte de vue. Un gîte perché en altitude, à plus de 30 bornes de toute activité humaine. L’environnement est propice à la déconnexion totale. Et pourtant, au fond de la gorge, une boule d’angoisse grandit. Dans l’estomac, des nœuds se forment… et se multiplient à mesure que la date fatidique du retour au boulot approche.

Selon une récente étude du recruteur Robert Walters, près de la moitié des professionnels belges (47%) déclarent se sentir stressés ou anxieux à l’idée de reprendre le travail après les vacances d’été. Pas moins de 15% confient même être «très anxieux». Parmi les mauvaises surprises post-vacances, c’est surtout la boîte mail débordante qui angoisse le plus d’employés (45%). Mais d’autres facteurs sont également sources de tensions, comme la peur d’avoir manqué des informations importantes (23%) ou la crainte d’être dépassé par la charge de travail (15%). «Tous ces petits scénarios que l’individu va imaginer dans son cerveau vont résulter en une anticipation négative et anxieuse du retour au travail», observe Thomas Pirsoul, docteur en psychologie et chercheur au Laboratoire d’Etudes sur les Nouvelles formes de Travail, l’Innovation et le Changement (LENTIC) à HEC Liège.

Une angoisse contre-productive?

Un stress qui apparaît en dissonance complète avec l’objectif initial des congés, à savoir le repos, la déconnexion et le ressourcement. Et qui peut, in fine, anéantir rapidement les apports bénéfiques de cette pause bien méritée. «Dans la littérature scientifique, ce phénomène est qualifié d’effet « fade-out » (NDLR: disparition)», pointe Thomas Pirsoul. Cette diminution du bien-être associée aux vacances va être plus ou moins rapide selon les individus, et dépendra notamment de la durée du séjour. «L’idéal, c’est de partir au moins deux ou trois semaines pour réellement déconnecter, souligne Alexia Ahn, psychologue du travail et des organisations. Mais cela n’est évidemment pas toujours possible. Et tout dépend des personnes: certains n’auront besoin que de quelques jours pour débrancher, et d’autres, d’une semaine.»

Pour éviter (ou à tout le moins, diminuer) ce sentiment d’angoisse associé au retour au travail, il convient d’abord d’en identifier la source. «Le stress, c’est un état psychologique et physiologique résultant d’un déséquilibre perçu entre deux facteurs, rappelle Alexia Ahn. D’une part, les exigences d’une situation, et de l’autre, les ressources dont dispose l’individu pour y faire face.» Le stress peut donc provenir de la lourde charge de travail qui attend l’employé à son retour, ou d’un manque de confiance en ses capacités à l’affronter. Deux axes sur lesquels il est évidemment possible de travailler.

Reprendre crescendo

La première manière de limiter le stress au retour de congés, c’est l’anticipation. «Des vacances, ça se prépare, insiste Thomas Pirsoul. Avant de partir, mieux vaut clôturer la majorité de ses tâches et ne rien laisser en suspens, mettre un out of office pour éviter les relances à répétition par mail, déléguer une partie de ses responsabilités à ses collègues et leur communiquer son absence.» Tous ces petits réflexes préviendront les éléments de stress potentiel durant le séjour et maximiseront les effets bénéfiques de ce dernier. «Mais surtout, ça évitera l’effet rebond post-vacances, qui risque de causer encore davantage de stress qu’avant le départ», assure le docteur en psychologie.

Une reprise progressive permettra en outre de limiter les sources de tensions et d’angoisse potentielles. «L’effet fade-out sera d’autant plus rapide si le rythme de travail est particulièrement intense au retour, souligne Thomas Pirsoul. Car si le cerveau a pris du temps pour se déconnecter, il en aura également besoin pour se remettre dans le bain. Il faut s’autoriser à redémarrer en douceur, même si, évidemment chaque poste ne le permet pas.» Là encore, l’anticipation et l’organisation sont capitales. Eviter de fixer des réunions les premiers jours après son retour pour se concentrer sur le tri de sa boîte mail peut par exemple être une bonne manière de fonctionner.

L’idéal pour prolonger les effets bénéfiques des vacances est également de les cultiver au jour le jour. «Il faut essayer de retrouver le sentiment positif lié aux congés dans sa routine quotidienne, même à petite dose, expose Alexia Ahn. Par exemple en s’octroyant des moments uniquement à soi, en s’adonnant à des activités qui nous font sentir vivants ou via nos interactions sociales qui sont, pour certains, une vraie source d’énergie et de bien-être.» Selon une étude publiée dans le Journal of Organizational Behavior, les «expériences de détente pendant les loisirs» après les vacances ont d’ailleurs pour effet de retarder le fade-out.

La fermeture collective, une solution?

Au-delà de ces ressources individuelles, d’autres pistes de solutions ont trait au collectif. Une partie de l’angoisse occasionnée au retour de vacances puise sa source au niveau de la culture d’entreprise: un manque de communication entre les collègues, un non-respect du droit à la déconnexion ou des exigences trop importantes de la part de la direction peuvent être autant de sources de tensions. «Aujourd’hui, les jeunes générations expriment plus facilement leurs angoisses et leurs besoins, notamment en termes d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, remarque Alexia Ahn. Or, force est de constater que les entreprises ne sont pas toujours outillées pour y répondre.» La psychologue du travail préconise par exemple de mieux former les entreprises à la gestion des congés estivaux et à prévoir davantage de «back-up» ou d’autoriser des délais de traitement plus longs durant cette période.

Selon l’étude de Robert Walters, la fermeture collective en été pourrait également représenter une solution au stress post-vacances. «Si tout le monde part en même temps, cela évite le sentiment de retard ou de « Fomo » (NDLR: « Fear of Missing Out », à savoir la peur de manquer quelque chose)», pointe l’enquête. Mais cette pratique, courante dans certains secteurs comme la construction ou l’industrie manufacturière, restreint toutefois la flexibilité individuelle. Un luxe sur lequel le Belge ne semble pas prêt à faire une croix: 55% des employés préfèrent en effet garder la liberté de choisir eux-mêmes leurs dates de congé.

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