La formule Hottenrott permet de trouver sa fréquence cardiaque à l’entraînement. © Getty Images

La formule Hottenrott: comment trouver sa fréquence cardiaque idéale pour l’entraînement

Laura Hottenrott court des marathons à des temps de pointe. Son père Kuno est son entraîneur –tous deux sont scientifiques. Ensemble, ils développent des plans d’entraînement spécialement pour les femmes. Et une formule que chacun peut utiliser.

Laura Hottenrott connaît très bien son corps. Juste après le réveil, son regard se tourne vers sa montre de sport. Elle mesure sa fréquence cardiaque et sa variabilité dans deux positions: allongée et debout. Pour elle, c’est un simple contrôle destiné à indiquer : suis-je reposée? Mon corps a-t-il encore besoin de récupération?

Ce contrôle quotidien fait partie de leur domaine de spécialisation non seulement en tant que sportive et entraîneur, mais aussi en tant que scientifiques: l’étude de la charge et de la récupération dans les sports d’endurance. En tant que duo père-fille, ils ont développé leur propre formule liée à la fréquence cardiaque. Celle-ci tient compte non seulement des différences individuelles, telles que l’âge et le niveau de forme, mais surtout du sexe.

C’est précisément cet aspect qui a longtemps été ignoré par la science du sport –avec des conséquences, notamment pour les femmes. Beaucoup se sont probablement jusqu’à présent entraînées en se basant sur des critères masculins.

Monsieur Hottenrott, vous souvenez-vous des premiers pas de Laura dans la course à pied?

Kuno Hottenrott: Bien sûr. Nos premières compétitions étaient de petits sprints jusqu’à la porte de la maison. Il ne s’agissait jamais de gagner, mais de vivre l’expérience. Laura a toujours été active –VTT, ski, course à pied, randonnée. Nous avons fait ensemble de nombreuses expéditions extrêmes.

Madame Hottenrott, de quelles anecdotes vous souvenez-vous?

Laura Hottenrott: A 6 ans, j’ai reçu une ceinture de fréquence cardiaque de mon père –c’était un jouet fascinant pour moi. Je me suis assise sur le vélo et j’ai voulu voir si je pouvais faire monter ma fréquence cardiaque à 200. Je trouvais passionnant de comprendre son propre corps. Pour mon père, c’était bien sûr aussi une petite expérience.

«A six ans, j’ai reçu une ceinture de fréquence cardiaque de mon père –c’était un jouet fascinant pour moi.»

Laura Hottenrott

Comment cela se passe-t-il aujourd’hui, quand le père est aussi l’entraîneur?

LH: Je vois cela comme un véritable avantage. Nous discutons beaucoup et intensément, mais sans réellement nous disputer. Je ne reçois pas de plans d’entraînement tout faits, j’ai le droit de participer aux décisions. Cela motive. Je n’ai jamais le sentiment de devoir faire mes preuves si quelque chose est trop dur. Mais c’est justement ce qui rend parfois difficile le fait de vraiment sortir de sa zone de confort.

Pourquoi la fréquence cardiaque est-elle importante?

La fréquence cardiaque indique combien de fois le cœur bat par minute. Elle constitue un indicateur direct de la charge physique. Lors de la course, elle montre à quel point le corps doit actuellement travailler pour alimenter les muscles en oxygène. Des études démontrent: aussi bien la fréquence cardiaque au repos que celle à l’effort sont en moyenne nettement plus élevées chez les femmes que chez les hommes. Cela signifie que les femmes doivent définir leurs zones d’entraînement différemment –et ne doivent pas se laisser déstabiliser par des valeurs de pouls plus élevées.

La fréquence cardiaque maximale (FCmax) est déterminée par un test, mais elle peut aussi être approximativement calculée avec:
FCmax ≈ 208 – (0,7 × âge)
(par ex. à 30 ans : 208 – 21 = 187 battements par minute)

Fréquence cardiaque cible lors de l’entraînement de l’endurance fondamentale pour les femmes:
70 à 80% de la FCmax
Exemple (FCmax = 187) : 131–150 battements/minute

Idéal pour les courses d’endurance longues et légères (métabolisme lipidique, base aérobie)
Cette présentation reflète des valeurs moyennes, mais les zones d’entraînement devraient toujours être calculées de manière individuelle.

Quels sont vos trucs, Monsieur Hottenrott?

KH: En tant que père, ce n’est pas toujours facile d’imposer des séances dures. On veut exiger, mais sans surmener. Je préfère en proposer un peu moins –ainsi Laura a la possibilité de se surpasser. Cela a souvent plus d’effet que si je l’exige directement. L’individualisation ne fonctionne que si les athlètes réfléchissent par eux-mêmes. Ce principe, je l’exige dans chaque groupe d’entraînement.

Beaucoup n’ont pas de coach à leurs côtés. Comment réussir alors un entraînement individualisé?

LH: La première étape, c’est de mieux connaître son propre corps. Cela fonctionne le mieux lorsqu’on combine le ressenti subjectif avec des données objectives. Dans un journal d’entraînement, on peut documenter les mesures et les sensations, et commencer par comparer, observer.

Quels paramètres mesurés sont particulièrement importants pour les coureurs de fond?

LH: La fréquence cardiaque est centrale. Elle indique en temps réel à quel point le corps travaille. Plus le pouls est élevé, plus le cœur doit fournir d’efforts pour approvisionner les muscles en oxygène.

Beaucoup de coureurs amateurs se basent sur la pace –les minutes par kilomètre. Ce n’est pas déterminant?

LH: La pace aide à contrôler l’allure. Mais elle ne montre pas si je dépasse mes limites. Ceux qui débutent devraient y aller progressivement et augmenter lentement l’intensité –sinon, les blessures guettent. Les données de fréquence cardiaque peuvent y aider. La variabilité de la fréquence cardiaque est particulièrement intéressante.

Que signifie cette valeur?

KH: La HRV mesure les fluctuations entre les battements de cœur. Plus la HRV est élevée, plus le corps est reposé. Cela permet d’observer à long terme dans quelle mesure le «réservoir vagal» est rempli –c’est-à-dire le bon fonctionnement du système nerveux autonome.

LH: La HRV est mesurée au repos, par exemple avec un test de changement de position juste après le réveil. Pour cela, je reste allongée deux minutes sans bouger et je mesure ma fréquence cardiaque, puis je me lève et je mesure à nouveau. Je compare les résultats quotidiens: même de petites variations me montrent clairement si mon corps est stressé ou reposé.

Qu’est-ce que la variabilité de la fréquence cardiaque?

La variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) mesure les fluctuations des intervalles de temps entre deux battements de cœur consécutifs –plus ces fluctuations sont importantes, plus le corps est reposé.

HRV élevée = système nerveux détendu, bonne récupération.
HRV basse = stress, surcharge, épuisement imminent.
La valeur se mesure de préférence au repos, par exemple le matin juste après le réveil.

Quels trackers de fitness utilisez-vous pour cela?

LH: Une montre cardio. J’utilise aussi des applications qui analysent directement mes données ou qui évaluent en plus le sommeil et la récupération.

KH: On n’a pas besoin d’un équipement coûteux. Mais on peut veiller à utiliser une technologie validée scientifiquement. Pour débuter, une montre cardio d’un fabricant reconnu suffit. Ceux qui veulent plus de précision utilisent une ceinture pectorale –en combinaison avec une application, les valeurs sont alors très précises.

«Les femmes peuvent s’entraîner dans les plages d’intensité inférieures avec un pouls plus élevé sans se surmener.»

Kuno Hottenrott

Vous avez développé votre propre formule sur la fréquence cardiaque. Pourquoi?

LH: La formule Hottenrott est censée aider à contrôler plus précisément les zones d’entraînement individuelles. Adaptée à l’âge, au sexe et au niveau de forme, elle permet de calculer sa zone de fréquence cardiaque pour différents objectifs d’entraînement.

KH: Les femmes ont, à effort égal, une fréquence cardiaque plus élevée que les hommes. C’est ce que nous avons examiné systématiquement pour la première fois dans notre propre étude. Mais ce n’est pas un désavantage: les femmes peuvent s’entraîner dans les plages d’intensité inférieures avec un pouls plus élevé sans se surmener. Notre formule en tient compte – et aide à trouver la bonne zone.

Comment calcule-t-on exactement sa fréquence cardiaque d’entraînement idéale avec votre formule?

LH: On prend la fréquence cardiaque maximale et on la multiplie par cinq facteurs, dont le sexe et une valeur liée à l’objectif d’entraînement. Le résultat: une zone cible tout à fait personnelle, qui indique, par exemple, à quel niveau doit se situer le pouls pendant un footing en endurance de base –pour que l’entraînement soit efficace, sans être excessif. Cela fonctionne aussi pour d’autres disciplines sportives comme le cyclisme.

Y a-t-il eu des déclencheurs concrets pour développer cette formule?

KH: Oui, ils venaient de la pratique. Beaucoup de couples qui courent ensemble racontent: même parcours, même allure, mais la fréquence cardiaque de la femme est nettement plus élevée. Beaucoup se sont demandé s’ils s’entraînaient mal, ou même s’ils pouvaient encore courir ensemble.

Voici comment fonctionne la formule de Hottenrott

Formule de Hottenrott pour le calcul de la fréquence cardiaque d’entraînement

Fréquence cardiaque d’entraînement = FCmax × 0,7 × IFn × IOb × ISx × ISp

Les différents facteurs:

FCmax = fréquence cardiaque maximale
Si elle n’est pas testée individuellement, la règle est:
FCmax = 208 – (0,7 × âge)

IFn = Indicateur de forme physique
Débutant : 1,00
Sportif entraîné : 1,03

IOb = Indicateur de l’objectif d’entraînement
Entraînement de base : 1,00
Objectif: amélioration des performances / entraînement d’endurance intensif : 1,2

ISx = Facteur de sexe
Hommes : 1,00
Femmes : 1,10

ISp = Facteur lié à la discipline sportive
Course à pied : 1,00
Cyclisme : 0,92

Exemple de calcul pour une débutante en course à pied de 25 ans
FCmax = 208 – (0,7 × 25) = 190,5 ≈ 191
IFn (débutante) : 1,00
IOb (entraînement de base) : 1,00
ISx (femme) : 1,10
ISp (course à pied) : 1,00

Calcul : 191 × 0,7 × 1,00 × 1,00 × 1,10 × 1,00 = 147,07

Fréquence cardiaque d’entraînement = 147 battements/minute serait dans ce cas la valeur cible pour l’entraînement de base.

Dans votre livre, vous avez développé des plans d’entraînement spécialement pour les femmes. Pourquoi?

LH: Beaucoup ne se rendent pas compte que lorsqu’on trouve un plan marathon en moins de quatre heures sur Internet, on reçoit un plan pour hommes. Les femmes s’en rendent souvent compte seulement lorsque leur corps ne suit pas ou qu’elles se blessent. Pourtant, elles ont besoin d’approches adaptées à leur propre physiologie. Un plan pour un même objectif de temps au marathon, par exemple moins de quatre heures, ne peut pas être identique pour les femmes et les hommes.

Quels sont les autres écarts importants entre les sexes, en dehors de la fréquence cardiaque?

KH: Dans les disciplines de vitesse et de force, les différences de performance pure sont de 30 à 35%. Les femmes ont moins de fibres musculaires rapides et une masse musculaire inférieure. Elles doivent s’entraîner relativement plus souvent et de manière plus ciblée pour développer leur force. C’est particulièrement important pour la course à pied, car les muscles jouent un rôle d’amortisseur et stabilisent les articulations.

A quoi devrait ressembler l’entraînement de force pour les coureuses?

LH: Il faudrait prévoir au moins trois séances par semaine –idéalement régulières. L’accent est mis sur l’entraînement fonctionnel avec le poids du corps. Les zones importantes sont la stabilité du tronc, le bassin, l’arrière des cuisses et les fessiers.

KH: L’arrière des cuisses et les muscles fessiers jouent un rôle central dans la course. En raison de leur anatomie, les femmes ont tendance à adopter une posture plus assise en courant. Un «abécédaire de la course» ciblé, c’est-à-dire un entraînement technique et de coordination, aide par exemple à améliorer les schémas de mouvement et à courir de manière plus économique. En complément, des exercices de force sont importants pour courir avec un bassin redressé et une bonne extension des hanches.

«Sur les distances extrêmement longues, l’écart des femmes avec la performance d’endurance masculine se réduit à moins de huit pour cent.»

Kuno Hottenrott

Les femmes ont-elles aussi des avantages par rapport aux hommes?

KH: Absolument. Les femmes sont plus efficaces dans le métabolisme des graisses. Cela signifie qu’elles puisent mieux dans leurs réserves d’énergie internes sur les longues distances. C’est leur atout au marathon ou sur les ultradistances. Sur les distances extrêmement longues, l’écart avec la performance d’endurance masculine se réduit à moins de huit pour cent.

LH: L’absorption d’oxygène, la fameuse VO2max, est certes plus faible chez les femmes, mais elles produisent moins de lactate et récupèrent plus rapidement sur le plan métabolique. Cela signifie qu’après des séances intensives, les femmes peuvent souvent reprendre plus vite un effort.

KH: Il y a aussi un aspect psychologique: les femmes évaluent souvent plus justement leur niveau d’effort. L’échelle de Borg sur la perception subjective de l’effort montre qu’elles dépassent moins souvent leurs limites –un véritable avantage lors de compétitions longues.

Cela ressemble à beaucoup d’avantages pour les femmes. Pourquoi courent-elles relativement peu de marathons?

KH: C’est un phénomène intéressant: plus la discipline est longue, moins les femmes participent aux compétitions. Les hommes ont tendance à se faire plus confiance –même pour des efforts extrêmes. En parallèle, le risque de blessure est plus élevé chez les femmes, notamment en ce qui concerne le système de soutien de l’appareil locomoteur. Après la ménopause, le système osseux devient plus vulnérable, et le risque d’ostéoporose augmente.

Les femmes devraient-elles malgré tout oser le marathon?

KH: Absolument. Beaucoup plus de femmes pourraient y arriver et ne devraient pas craindre les blessures, si elles travaillaient davantage leur force. Cette distance reste néanmoins un effort extrême pour tout le monde. Un semi-marathon peut être une bonne porte d’entrée, que beaucoup plus de femmes choisissent effectivement.

Ces dernières années, l’entraînement en fonction du cycle est devenu un sujet de plus en plus présent. Quelle est l’importance de cette question?

LH: Bien sûr, le cycle et le statut hormonal sont des facteurs importants. Ce qui me dérange, c’est qu’on les réduise à cela –comme s’il s’agissait du seul facteur de différence. Il existe d’innombrables recommandations qui ne tournent qu’autour des phases du cycle. Mais les vraies différences se situent ailleurs: dans la récupération, l’intensité, le volume d’entraînement. Ignorer cela, c’est s’entraîner à côté de son corps.

Citrate de magnésium pour la récupération

Quels sont les mythes liés au cycle qui persistent sur Internet?

KH: Il y en a beaucoup, car la recherche est encore limitée. On aime présenter le cycle en quatre phases bien distinctes, auxquelles on attribue ensuite un régime alimentaire ou un entraînement spécifiques. Cela semble simple. Trop simple. Et non fondé scientifiquement. Il n’y a pas de solutions universelles. Chaque femme doit apprendre à lire son corps. Il existe toutefois des connaissances sur les moments où il faut porter une attention particulière aux protéines et au fer.

Quels conseils nutritionnels donnez-vous aux coureuses?

KH: Le fer est particulièrement critique chez les sportives, car une grande partie des réserves est perdue par la transpiration et les impacts. Nous recommandons: viande rouge, légumineuses, légumes verts à feuilles, graines de courge, flocons d’avoine, à combiner avec des aliments riches en vitamine C. Pour les articulations et les tendons: du collagène, par exemple via du bouillon d’os ou des compléments. Avec de la vitamine C, c’est ce qui fonctionne le mieux. Et: du citrate de magnésium pour la récupération.

LH: Avant l’entraînement, il ne faut pas manger trop lourd. Deux à trois heures avant, un repas léger, riche en glucides, suffit. Sinon, l’estomac se rebelle.

«Le fer est particulièrement critique chez les sportives, car une grande partie des réserves est perdue par la transpiration et les impacts.»

Kuno Hottenrott

Pourquoi l’industrie ne s’est-elle pas encore emparée des plans d’entraînement pour femmes?

KH: Le transfert des connaissances scientifiques vers la pratique de l’entraînement est encore très exigeant. De nombreuses différences liées au sexe sont complexes –elles dépendent en plus de la discipline et des zones d’entraînement. Par ailleurs, il manque les bases, car la recherche s’est longtemps intéressée presque exclusivement aux hommes. Ce fossé entre les sexes doit d’abord être comblé.

Quand l’entraînement spécifique aux femmes deviendra-t-il la norme?

KH: Il faudra au moins dix ans pour disposer de données fiables et pour qu’elles trouvent leur place dans la pratique quotidienne de l’entraînement. Beaucoup de choses que l’on voit aujourd’hui sur les réseaux sociaux semblent séduisantes, mais relèvent plus du lifestyle que de la science.

LH: Pour les femmes en particulier, cela signifie: plus de responsabilité, plus d’auto-observation, plus de connaissances. Prendre vraiment son corps au sérieux –pas seulement l’optimiser. Celles qui réfléchissent courent mieux. Et plus longtemps.

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