Ils attirent le regard avec leurs couleurs vives, leurs saveurs inédites et leurs promesses «made in USA». Ces produits alimentaires américains vendus dans quelques supermarchés et épiceries spécialisées ne respectent pourtant pas les normes européennes en matière de sécurité alimentaire.
Dans les rayons des magasins d’alimentation, de nouveaux venus côtoient désormais les sodas, snacks et autres bonbons dont le consommateur belge a l’habitude. Ils occupent une place spéciale: celles des «produits du monde». Il n’est pas question ici de tortillas «mexicaines», de sauces «japonaises» ou d’épices «indiennes» de fabricants européens qui seraient introuvables dans les pays dont elles s’inspirent, mais de produits importés de l’étranger.
Ainsi, sur certains étals de commerces de grande distribution ou dans des épiceries spécialisées, le client peut se laisser tenter par un Fanta à la fraise, des M&M’s au beurre de cacahuète, ou encore des chips ultra-épicées. S’ils proviennent des quatre coins du monde, ceux épinglés dans une enquête conjointe de Marianne et de France Inter sont principalement importés des Etats-Unis. Qu’ils soient sucrés ou salés, ces snacks ont tous un point commun: ils sont ultratransformés. Certains sont même interdits en Europe, et donc en Belgique, en raison de la présence d’additifs considérés comme dangereux pour la santé.
Entre additifs prohibés et colorants surdosés
Parmi ceux-ci, le dioxyde de titane (E171), utilisé pour sa couleur blanche et ses propriétés opacifiantes. En 2021, «l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu que le dioxyde de titane ne peut plus être considéré comme un additif alimentaire sûr, car des problèmes de génotoxicité (NDLR: des effets sur le matériel génétique) ne peuvent être exclus après sa consommation», résume, sur son site, le Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement de Belgique. Certains de ces aliments américains comportent aussi du sulfate d’aluminium (E520), un agent affermissant dont l’usage, en Europe, est strictement limité aux fruits confits et aux blancs d’œuf.
Divers colorants industriels entrent également dans leur composition. C’est le cas, par exemple, des jaune orangé sunset (E110) et rouge allura AC (E129). L’étude de Southampton sur les additifs alimentaires les relie, tout comme quatre autres colorants (E102, E104, E122 et E124), à la suractivité, l’impulsivité, l’inattention, ou encore aux difficultés d’apprentissage chez l’enfant. Autant de signes d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Si l’EFSA n’interdit pas ces colorants, elle exige toutefois que l’avertissement «peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants» soit indiqué sur l’emballage des produits.
Les Etats-Unis vont plus loin en interdisant, parmi ces six colorants dits «de Southampton», le jaune de quinoléine (E104), le carmoisine (E122) et le Ponceau 4R (E124). Peu de chance donc de les voir dans la composition des produits «Made in USA» importés chez nous. Par contre, la législation américaine n’obligeant pas les fabricants à préciser sur l’étiquette que les colorants utilisés peuvent avoir «des effets indésirables» chez l’enfant, ils se retrouvent sur le marché belge exempts de cette clarification.
Quand les fabricants font l’effort de spécifier cette mention sur leur emballage –parfois via une étiquette traduite apposée par-dessus la liste en anglais–, les dosages peuvent être bien plus élevés que les normes autorisées par l’Union européenne. Ainsi, dans un paquet de M&M’s au beurre de cacahuète, outre la présence de l’additif interdit E171, la quantité de colorant E110 est dix fois supérieure à la dose maximale européenne, relèvent Marianne et France Inter.
«La responsabilité des gérants»
Contactée, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire répond ne pas avoir eu vent de la présence d’aliments américains potentiellement illégaux dans les magasins belges. Aucun n’a en tout cas été détecté lors des contrôles, pas même lors du dernier en date effectué entre le 11 et le 17 juin, et qui portrait sur la conformité de l’étiquetage des produits alimentaires.
«En Belgique, ne peuvent être commercialisés que des produits répondants aux normes européennes autorisées», souligne Aline Van den Broeck, la porte-parole de l’AFSCA. «Les produits qui sont vendus dans le commerce sont de la responsabilité des gérants», ajoute-t-elle toutefois. Cela signifie qu’il n’est pas complètement impossible qu’un produit aux ingrédients illégaux sur le marché belge soit vendu dans le commerce, pour peu que le commerçant en question n’ait pas reçu la visite impromptue de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Des contrôles et une autorisation du secteur qui sont, quoi qu’il en soit, réglementés et réalisés «une fois tous les quatre ans».