Frank Vandenbroucke s’attaque à une réforme ambitieuse et nécessaire en matière de santé. La montagne à gravir est immense. Il veut donc aller vite. Avancer. Mais personne n’atteint le sommet de l’Everest sans sherpa ni préparation.
Rail, enseignement, magistrature… Les projets de réformes du gouvernement Arizona entraînent dans leur sillage moult mouvements de protestation. La réforme de la santé initiée par le ministre Frank Vandenbroucke (Vooruit) n’a pas fait exception. Le corps médical s’est croisé les bras le lundi 7 juillet dernier. Enfin, une partie du corps médical. Car cette grève, abondamment commentée, eu égard à la rareté des arrêts de travail des médecins ou dentistes, a remis sur le devant de la scène les lignes de fracture qui émaillent la profession et recouvrent des réalités différentes ou des manières opposées d’appréhender l’exercice de la médecine. C’est ainsi qu’entre les spécialistes et les généralistes le discours diverge, qu’entre les hôpitaux du nord et du sud du pays les besoins diffèrent, qu’entre l’Association belge des syndicats médicaux (Absym) et la Fédération des maisons médicales les points de vue s’opposent. Qui estimant que plafonner les suppléments d’honoraires mettrait à mal la survie financière des cabinets extra-hospitaliers, qui jugeant indispensable de circonscrire les abus pour rendre le système des soins de santé plus accessible.
Ces lignes de fracture se dessinent également au sein de la coalition fédérale avec des centristes – autoproclamés parti de la santé– qui ont renvoyé le ministre socialiste à sa copie, fustigeant l’impact que son avant-projet de loi aurait sur la soutenabilité financière des hôpitaux. Singulièrement ceux de Bruxelles et de Wallonie. Et des libéraux qui s’opposent logiquement à tout projet qui ferait davantage pencher la balance vers une médecine d’Etat.
Mais malgré toutes ces divergences, l’essentiel est partagé, à savoir la nécessité de réformer un secteur en souffrance. Pour le rendre plus tenable et résilient. Un calendrier a été posé. Parmi ses échéances majeures: 2028, date à laquelle le financement des établissements de soins sera basé sur des forfaits par pathologie et non plus sur un volume d’actes. Pour rendre le système moins opaque. D’ici 2028 également, et préalablement à la définition des forfaits hospitaliers, la révision de la nomenclature –soit la liste des actes et prestations de soins pouvant être remboursés par l’assurance maladie– doit être validée. Pour gommer les déséquilibres en défaveur de certaines spécialités médicales.
Frank Vandenbroucke sait donc qu’il s’attaque à une réforme ambitieuse et nécessaire –assurer la soutenabilité financière des hôpitaux, tout en offrant des soins de qualité et une facture transparente aux patients comme une rémunération juste et une certaine liberté aux médecins. Et qu’il va devoir la mener dans un cadre budgétaire qui n’offre aucune latitude. La montagne à gravir est immense. Il veut donc aller vite. Avancer. Pour atteindre un premier palier le 21 juillet. Mais personne n’atteint le sommet de l’Everest sans sherpa ni préparation. La priorité du ministre de la Santé est aujourd’hui de renouer le fil du dialogue avec ceux qui vont l’accompagner tout au long d’un chemin qui s’annonce escarpé d’ici 2028.
La montagne à gravir par Frank Vandenbroucke est immense. Or, personne n’atteint de sommet sans sherpa.