L’indépendance et la crédibilité de la Fed la rendaient garante d’une certaine stabilité. Mais ça c’était avant que Donald Trump ne limoge la gouverneure de la Réserve fédérale Lisa Cook, nommée par Joe Biden, pour «comportement trompeur et potentiellement criminel dans une affaire financière».
«Compte tenu de votre comportement trompeur et potentiellement criminel dans une affaire financière […], je n’ai pas confiance en votre intégrité.» Les termes employés par Donald Trump pour annoncer le limogeage de Lisa Cook, gouverneure de la Réserve fédérale américaine (FED), tranchent avec les «You’re fired!» habituellement lâchés par le président américain sur son réseau social Truth pour annoncer des licenciements de personnalités de haut rang. C’est que dans ce cas-ci, l’enjeu est majeur pour le locataire de la Maison-Blanche: prendre le contrôle de la FED.
Jusqu’ici, c’était essentiellement en direction de son président, Jerome Powell, que Trump avait sorti l’artillerie lourde pour tenter de parvenir à ses fins. Injures, invectives à répétition, critiques sur des frais de rénovation onéreux de l’institution. Toutes les armes possibles ont été dégainées pour tenter de faire plier celui que Trump baptise «M. Too late» pour qu’il baisse les taux directeurs. C’est que pour l’ancien magnat de l’immobilier, l’équation est simpliste: des taux bas permettraient aux ménages américains d’emprunter et d’investir dans l’immobilier. Avec, en filigrane, un message subliminal: «C’est ce que j’ai fait, et regardez: je suis devenu riche. Les taux actuels sont trop élevés et freinent la croissance.» Sauf que le cœur de la mission de la FED est de contenir l’inflation. Que l’imposition des droits de douane par les Etats-Unis risque de faire flamber les prix outre-Atlantique. Et que même si la FED réduisait ses taux directeurs, seuls les taux à court terme pourraient s’orienter à la baisse. Pas les taux longs sur lesquels reposent les loyers des emprunts hypothécaires.
«C’est l’indépendance et la crédibilité de la FED qui la rendaient garante d’une certaine stabilité.»
Toujours jusqu’ici, «Jay» est parvenu à faire le gros dos. A rester de marbre face aux gesticulations et aux pressions du républicain. A apporter de la nuance dans l’argumentation de ses choix de politique monétaire. A réaffirmer inlassablement l’indépendance de son institution.
Mais si la gouverneure Lisa Cook devait quitter son siège à la table du conseil –elle conteste son licenciement et entend continuer à occuper sa charge–, la donne pourrait rapidement changer. Trump a déjà profité d’un poste vacant pour y placer l’un des siens et deux autres gouverneurs sur les sept qui composent le conseil semblent partager ses vues. Avec le poste de Lisa Cook, la majorité des décideurs seraient vassaux du président. Privée de toute latitude pour prendre des décisions –parfois impopulaires mais nécessaires– pour soutenir la croissance ou juguler l’inflation, la FED deviendrait de facto un jouet dont le président américain pourrait disposer à sa guise. Or, c’est l’indépendance et la crédibilité de l’institution qui la rendaient garante d’une certaine stabilité. Jusqu’ici.