Pour la presse, les procédés de Google et des robots conversationnels type ChatGPT, s’apparentent ni plus ni moins à un hold-up sur l’information et l’audience orchestré sciemment.
Le projet de Jacqueline Galant (MR) de réduire le nombre de médias de proximité en les faisant passer de douze à huit, comme les manœuvres de rapprochement entre les groupes de presse IPM (La Libre Belgique, DH Les Sports+, L’Avenir…) et Rossel (Le Soir, Sudinfo…) répondent tous deux, notamment, à des logiques économiques. Le premier cherche à limiter l’hémorragie financière de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), le second à faire face aux défis d’un secteur pris en étau entre un marché publicitaire en berne et un bouleversement profond des usages dans la consommation de l’information. Avec des conséquences prévisibles –réduction des équipes, perte de diversité, effritement du maillage local– qui iront de pair avec des collaborations accrues entre les titres et la recherche de synergies. Mais aussi avec un risque majeur, celui de laisser le champ libre à d’autres diffuseurs de contenus qui n’auront, eux, pas effectué le travail de vérification, d’enquête, de validation ou de confrontation inhérent aux exigences de la presse.
La presse sert de matière première aux réponses des robots conversationnels ou de Google, sans qu’elle ne soit ni citée ni rémunérée.
Ce risque ne cesse d’ailleurs de gagner en importance depuis que Google a activé ses «aperçus AI» pour les requêtes belges effectuées en langue française. Concrètement, depuis quelques semaines, à chaque recherche sur le moteur, une réponse synthétique et explicite est prioritairement proposée. Sans que l’internaute n’ait besoin de cliquer sur un lien ou un autre. Cette nouveauté introduite par Google s’ajoute aux recours de plus en plus nombreux aux robots conversationnels, tels que ChatGPT, pour s’informer.
Conséquences de ces nouvelles pratiques: une chute drastique du trafic vers les sites commerciaux. Aux Etats-Unis où la fonctionnalité a été activée depuis plus d’un an, une baisse générale des clics d’un tiers a été observée. Dramatique pour certains acteurs. Pour la presse, ce procédé s’apparente ni plus ni moins à un hold-up sur l’information et l’audience orchestré sciemment. Car c’est le travail de la presse qui sert de matière première aux réponses de ces robots conversationnels ou de Google, sans que celle-ci ne soit ni citée, ni identifiée, ni rémunérée. Or, se servir sans passer par la caisse, c’est voler.
Assurer la survie économique des médias s’avère donc indispensable –en construisant un modèle dans lequel ils sont reconnus comme étant les fournisseurs d’une information de qualité et identifiée, en renforçant les collaborations quand c’est possible tout en veillant au respect du pluralisme, en diversifiant les sources de revenus– afin de préserver leur rôle démocratique essentiel. Faute de quoi, le risque est que les diffuseurs de contenus ne livrent plus qu’une seule vérité. Ni la mieux vérifiée ni la plus pertinente. Ni la plus exacte ni la plus nuancée. Simplement celle sélectionnée et présentée par une IA ou un algorithme. Par celui qui criera le plus fort.