Le fisc va recourir au datamining pour déceler des signaux, de repérer des anomalies sur les comptes des Belges.
C’est le nouveau gros morceau auquel doit s’attaquer l’Arizona: la confection du budget 2026. L’exercice sera périlleux à en croire les chiffres récemment publiés par le comité de monitoring. Il faudra faire feu de tout bois pour parvenir à limiter le déficit tout en n’hypothéquant pas la croissance. Alors, le ministre des Finances espère pouvoir compter sur quelques recettes issues de la lutte contre la fraude fiscale et fait avancer les choses sur ce terrain-là. Au pas de charge. En effet, et malgré un bras de fer politique, Jan Jambon (N-VA) a déposé un projet de loi-programme qui autorise l’utilisation du datamining dans le traitement des données bancaires des Belges.
Un brin d’explication s’impose. Jusqu’ici, l’ensemble des comptes en banque des Belges était répertorié au sein d’une base de données, le Point de contact central (PCC). Désormais, ce registre regroupe également les assurances-vie et les comptes à l’étranger. Demain, ce seront les comptes-titres, les cryptomonnaies et même les comptes de jeux supérieurs à 10.000 euros qui y seront recensés. Et pour scanner cette base de données élargie, le fisc va recourir à des dataminers qui, à l’aide d’algorithmes, auront pour mission de déceler des signaux, de repérer des anomalies. Un solde bancaire qui connaît un pic soudain. Un patrimoine qui enfle sans que les revenus suivent la même progression. Chaque transaction inhabituelle pourrait, le cas échéant, donner lieu à un signalement. Peu importe que l’origine de l’anomalie provienne d’un héritage, d’une vente immobilière ou d’une fraude, le citoyen sera placé en situation de suspect. Et c’est l’algorithme qui initiera le doute.
«Que l’origine de l’anomalie provienne d’un héritage ou d’une fraude, le citoyen sera placé en situation de suspect.»
C’est donc un changement complet de paradigme. Qui n’est pas sans poser de questions sur l’équilibre entre la nécessaire lutte contre la fraude fiscale et l’indispensable respect de la vie privée. L’Autorité de protection des données (APD) s’en est d’ailleurs largement émue dans un avis qui tirait à boulets rouges sur le projet, pointant «une ingérence particulièrement grave dans les droits et libertés des personnes concernées» et estimant que les auteurs du projet ne parvenaient «pas à justifier suffisamment la nécessité et la proportionnalité de cette mesure». Et cela, même si le projet se base sur une analyse des données pseudonymisées.
A côté des craintes sur la pertinence des garde-fous et des interrogations légitimes sur la fiabilité des algorithmes, la question de l’efficacité du projet reste également entière. Le datamining attrapera-t-il dans ses filets les gros poissons de la fraude habitués à trouver la parade ou ne lèvera-t-il que du menu fretin? Comme reste posée celle de sa finalité ultime. Car après avoir collecté les données, elles sont désormais corrélées; après avoir répertorié les avoirs, ils sont désormais localisés. De là à penser qu’une ébauche du registre des patrimoines se dessine…