Abonnements par défaut, consentement implicite, relances anxiogènes… Le client de certains sites n’est plus un sujet rationnel, mais une cible à exploiter.
Je voulais juste partir dans le Sud. Aller-retour Bruxelles-Marseille pour une visite familiale printanière. Le train? Trop cher. Conscience écologique étouffée par l’attractivité des prix imbattables, je me suis laissé tenter par l’achat d’un vol low cost via un comparateur en ligne: Opodo. L’offre est séduisante. Je réserve. Enfin, je crois avoir réservé. Car aucun billet ne s’affiche. Sur l’écran, juste un vague message: «Finalisation en cours. Téléchargez notre application pour suivre votre réservation.» Sans le savoir, j’ai plongé dans l’enfer des algorithmes. Dans ce monde, on ne choisit plus. On ne peut que se soumettre.
Le lendemain, alerte. «Il manque des informations essentielles.» Sans elles, pas d’embarquement. Je ne peux que m’exécuter. Et voilà que, soudain, je deviens «membre Prime». On m’octroie une réduction de 46,93 euros! Je n’ai pas senti le piège: je viens d’embarquer pour un abonnement jamais sollicité. C’était écrit, mais en lettres minuscules, et en pastel discret. De plus, certaines cases du formulaire sont cochées par défaut. Consentement invisible? Ce n’est pas un accident, c’est le cœur du système.
S’ouvre alors une boîte de Pandore. Vingt-six e-mails en cinq jours! Offres déguisées. Réductions spectaculaires mais réservées aux Prime: tarifs des hôtels, voitures de location, sur diverses assurances, les sièges les mieux situés pour débarquer avant tout le monde, ou près du hublot… Tout se monnaie. Chaque clic génère une nouvelle tentation et chaque refus, un doute. Au fur et à mesure que les formulaires se remplissent, l’esprit vacille. Puis Ryanair, enfin, entre en scène: vérification d’identité alors qu’elle a déjà été faite. Interloqué, je me renseigne sur Internet. Et je comprends pourquoi. Les deux acteurs ne se feraient pas totalement confiance. La promesse de simplicité low cost n’est qu’un mirage.
«Derrière chaque interface, se cache un système bien huilé qui joue sur la confusion. Une stratégie de captation.»
Le vol aller se passe bien, certes. Trop bien même, de quoi endormir ma vigilance. Au retour, le réveil sera d’autant plus brutal. Un e-mail m’annonce que mon abonnement «eDreams Prime» expire dans quinze jours. Si je ne fais rien, je perds un «crédit vol» de 70 euros. Et mon abonnement payant de 89,99 euros, que je n’ai jamais demandé, démarrera automatiquement pour une durée d’un an. Je cherche à annuler, à trouver une porte de sortie. Mission impossible. Mails retournés, numéros de téléphone inaccessibles. Je ne suis plus client. Je suis captif. Sur les forums, je découvre que je ne suis pas le seul. Ce qui ressemblait à un bug est en fait un modèle économique.
Abonnements par défaut, consentement implicite, relances anxiogènes. Langage flou, cases précochées, absence de contact humain. Derrière chaque interface, soi-disant intuitive, se cache un système bien huilé qui joue sur la confusion. Une stratégie de captation. Il ne s’agit plus uniquement de vendre, mais surtout de capter l’attention. Le client n’est plus un sujet rationnel mais une cible à exploiter. Opodo, eDreams, Ryanair: trio gagnant d’un capitalisme sans visage. Leur véritable produit, ce n’est pas le vol, c’est vous. Ce que j’ai cru être un service est devenu un labyrinthe. J’ai voyagé trois heures, mais trois semaines plus tard, je tente d’annuler un piège que je n’ai jamais activé. Ce que j’ai payé, ce n’est pas un aller-retour. C’est une épreuve mentale. Alors, la prochaine fois qu’un site vous sourit avec un «réservation confirmée», ne vous réjouissez pas trop vite. Vous n’êtes qu’au début d’un chemin pavé d’obstacles. Maintenant que vous êtes avertis… bon vol!