Bertrand Candelon

La politique de Trump, un frein à la croissance (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

L’objectif du président américain est clair: revenir à une organisation internationale structurée autour des négociations bilatérales afin d’imposer la vision des Etats-Unis.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pays ont décidé, lors de la conférence de Bretton Woods, d’organiser le système économique (financier, en matière de développement et de commerce) autour d’institutions dites «multilatérales». Le Fonds monétaire international (FMI), par exemple, a été chargé d’éviter les déséquilibres structurels des taux de change et d’octroyer des crédits de court terme pour résoudre les situations de crise. La Banque mondiale (BM), quant à elle, octroie des crédits de long terme aux pays afin de financer de grands projets, permettant un développement équilibré et soutenable. Pour ce qui est du commerce, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’a été formellement créée qu’en 1995, mais elle avait été précédée par des cycles de négociations dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt). Des organisations multilatérales ont également vu le jour dans la santé (OMS), l’éducation, les sciences et la culture (Unesco), et, plus récemment, les changements climatiques (Ccnucc).

Chaque Etat du monde (à de rares exceptions près) est représenté dans ces institutions multilatérales. D’une part à travers ses employés, mais aussi en participant aux réunions du board et aux sessions plénières. Ils peuvent ainsi donner leur opinion et contribuer aux grandes orientations économiques mondiales, quelles que soient leur taille ou leur puissance, même si, bien sûr, un petit pays n’aura pas la même influence qu’une superpuissance. En outre, ces organisations favorisent l’échange et la transmission d’informations, permettant ainsi d’accroître l’efficacité des décisions et d’éviter les stratégies concurrentielles reposant sur l’asymétrie d’information. En effet, un pays disposant de données plus complètes pourrait être tenté de les dissimuler afin d’en tirer profit. In fine, l’objectif d’une telle structure est d’éviter autant que possible les rapports de force bilatéraux, qui aboutissent la plupart du temps à des diktats imposés par les superpuissances.

Avec l’arrivée du président Trump au pouvoir, cette architecture vacille. Même si les Etats-Unis restent membres du FMI ou de la BM, ils se sont retirés de plusieurs institutions comme l’OMS et l’Unesco. Ils demeurent aussi théoriquement membres de l’OMC, même si les récents droits de douane ont été négociés de façon bilatérale entre les Etats-Unis et d’autres pays, remettant de fait en question l’utilité de cette institution. L’objectif du président Trump est clair: revenir à une organisation internationale structurée autour de négociations bilatérales afin d’imposer la vision des Etats-Unis. Comme au poker, il souhaite que le bluff et la loi du plus fort redeviennent les seules règles du jeu.

Les autres pays n’ont pas d’autre choix que d’entériner cette évolution. Deux stratégies sont alors possibles: accepter, comme l’a fait la Commission européenne pour les droits de douane, les demandes américaines en espérant conserver un gain positif; ou entrer dans une confrontation directe, comme le fait la Chine, en s’alliant avec de nombreux partenaires, comme la Russie. Dans tous les cas, cette évolution accroîtra l’incertitude et réduira la croissance mondiale.

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