Le MR, à droite, et le PS, à gauche, n’ont pas placé, dans leurs discours et dans leur com de la fête du travail, les salaires des travailleurs au centre de leur message. Un paradoxe.
Chaque année la même chose, ça ne rate jamais. Le travail est en fête dit la droite, qui s’oppose à la gauche qui dit que c’est la fête du travail.
Le seul vrai parti du travail c’est nous, dit le MR. Nous sommes le grand parti des travailleurs, chante le PS. Le PTB rappelle qu’il est le seul à avoir le T de Travail dans le sigle après son P de Parti. Et en fait tout le monde donne des leçons mais personne ne parle de ce qui fait vraiment le travail. Le MR attaque «l’assistanat» de la gauche au nom des valeurs de droite, le PS dénonce «l’extrême droitisation» de la droite au nom des valeurs de gauche. A droite on se prévaut d’une morale supérieure contre l’inactivité, à gauche on avance des valeurs supérieures contre les inégalités, et partout ce politiquement correct moralisateur empêche de parler de ce qui compte vraiment dans le travail, de ce à quoi se mesure sa valeur: le salaire.
Le salariat est la condition de l’immense majorité des travailleurs, 85% en Belgique. Alors c’est vrai, la sociologie le prouve, le PS est le parti des travailleurs sans emploi. C’est vrai que ceux qui perçoivent des allocations votent proportionnellement plus à gauche, tandis que le MR est le parti des travailleurs sans salaire. C’est vrai que ceux qui perçoivent des revenus du capital, mobilier ou immobilier votent proportionnellement plus à droite. Mais la fête du travail est surtout celle des salariés.
Le jour de la fête du travail, la droite et la gauche ont refusé de faire du salaire la question centrale de leur propos de lutte.
Une moitié du produit de leur travail, en Belgique à peu près 45%, est captée par ceux qui perçoivent des revenus du capital, et à droite on trouve généralement que ce n’est pas assez. Et la moitié de cette moitié restante est captée par l’Etat, notamment pour assurer et assister ceux qui n’ont plus de travail, et à gauche on estime souvent que c’est trop peu. Toute autre considération, lors d’un 1er mai de gauche comme de droite, que celle portant sur ces trois moitiés, qui vont du produit du travail au salaire brut puis au salaire net, réduit la question du travail à une surenchère de moraline indignée. Or, le jour de la fête du travail, la droite et la gauche ont refusé de faire du salaire la question centrale de leur propos de lutte.
Ce n’est peut-être pas si surprenant, dans un pays qui présente tellement le travail comme un coût qu’il a même inventé la notion de handicap salarial, et qui s’inquiète chaque année de sa hauteur, sans remarquer qu’elle présente le fait que les travailleurs gagnent bien leur vie comme une infirmité. Mais une fête du travail qui prétend vouloir célébrer la valeur travail sans revaloriser les salaires, c’est une journée de la frite sans pomme de terre, une Coupe du monde sans ballon, une fête nationale sans roi des Belges. C’est une journée des animaux qui n’évoquerait pas, disons, le courage des dogues et la félonie des zèbres, c’est une fête de l’Iris qui ne gronderait pas contre l’absence de gouvernement, c’est un Noël sans crèche, un ramadan sans polémique dans les journaux. C’est un 1er mai sans muguet et c’est un 1er mai d’impuissants, de la gauche comme de la droite.