La reconnaissance de l’Etat palestinien aura suscité de vifs débats au sein du gouvernement fédéral, qui a fini par atterrir. Chacun, qu’il applaudisse ou non l’accord, se targue d’être du «bon côté de l’histoire».
Le gouvernement fédéral a fini par atterrir sur l’épineuse question de la reconnaissance de l’Etat palestinien, des sanctions à l’égard d’Israël et du Hamas et de la crise humanitaire qui sévit au Proche-Orient. Cet accord est trop timoré, trop tardif, a réagi l’opposition. Un équilibre, celui de la voix de la raison, du juste milieu, ont d’emblée commenté les membres de la coalition.
La séquence aura suscité son lot d’éléments de langage, ces petites formulations dont sont truffés les discours politiques, mais aussi… de lieux communs, d’une adaptabilité époustouflante.
Il ne fallait en aucun cas «récompenser le Hamas», les autorités se devaient d’être «pragmatiques», en gardant à l’esprit que «la véritable urgence est humanitaire». Chacun a «mis de l’eau dans son vin», à l’occasion de ce qui ressemble à un bon vieux «compromis à la belge». Le gouvernement a «refilé la patate chaude», a-t-on entendu ailleurs, il a avant tout cherché à «sauver sa peau».
Une autre formule s’est imposée, binaire et solennelle. Il s’agissait de savoir qui se situerait ou non «du bon côté de l’histoire», sans que l’on sache ce que cela signifie exactement ni où se situe la limite entre le bon et le mauvais côté. On espère fort heureusement que le bon côté de l’histoire ne sera ni celui des terroristes ni celui des instigateurs d’un effroyable massacre. Ni d’ailleurs celui des tenants d’une espèce de «riviera du Moyen-Orient» comme envisagée.
Pour le reste, il faut constater que les membres du kern et les autorités de leurs partis respectifs se sont tous placés du bon côté de l’histoire. Il peut s’agir tantôt de s’engager ouvertement en faveur de la reconnaissance de l’Etat palestinien, tantôt d’assortir cette reconnaissance de conditions. Le président du principal parti d’opposition francophone, lui, a affirmé que la Belgique se plaçait du mauvais côté de l’histoire, en posant des conditions et en n’étant pas suffisamment contraignante envers le gouvernement israélien.
Se placer du bon ou du mauvais côté de l’histoire, c’est subjectif dès que l’on se place dans le champ de la morale. Ces positionnements arbitraires ne sont pas dépourvus de pertinence, mais on peut aussi s’en remettre à un indicateur plus juridique, celui du droit international.
«Se placer du bon ou du mauvais côté de l’histoire, c’est subjectif dès que l’on se place dans le champ de la morale.»
C’est un socle commun qui devrait constituer une boussole (autre lieu commun). «Je dirais qu’être du bon côté de l’histoire, c’est refuser le fait accompli que Benjamin Netanyahou essaie d’établir, à savoir une guerre de conquête motivée par une idéologie messianique», commente Pierre d’Argent, professeur de droit international à l’UCLouvain. Les écrits religieux, de ce point de vue, ne définissent pas quel est le bon côté.
«La reconnaissance de la Palestine n’est pas une obligation du droit international. En revanche, c’est une obligation de ne pas reconnaître ce que le gouvernement israélien essaie d’établir, à savoir la colonisation ou les crimes et violations du droit international commis contre la population civile à Gaza», ajoute le professeur. De ce point de vue, sous-entend-il, la Belgique ne devrait pas s’être située d’un trop mauvais côté de l’histoire, à la lecture de l’accord qui a été conclu.