C’est un classique de la communication politique. Lorsqu’il faut annoncer une mesure douloureuse, on use de périphrases et d’euphémismes. On ne nomme pas tout à fait les choses, même si personne n’est dupe. Tourner un peu autour du pot, voilà ce qu’on aurait pu attendre au sujet de l’extinction des allocations de chômage au terme d’une période de deux ans. L’exclusion des chômeurs, quoi.
L’an dernier, en pleine campagne électorale, les partis aujourd’hui au pouvoir communiquaient prudemment, dans leurs programmes respectifs. Dans les rangs libéraux, on proposait bien de «limiter le versement des allocations de chômage à deux ans», afin de se conformer à ce qui se pratique dans les pays voisins.
Auprès des Engagés, on proposait qu’après deux ans de chômage consécutifs, «tout chercheur d’emploi se verrait automatiquement proposer un contrat de travail dans le secteur public ou associatif». Les modalités auraient été à définir et, in fine, «en cas de refus de la part du demandeur d’emploi, celui-ci perdrait ses allocations de chômage».
On aurait alors attendu des partis de gauche et des syndicats qu’ils s’en offusquent au moyen de termes forts, comme «exclusion». Ce dernier terme n’est a priori pas connoté positivement. Il évoque une mise à l’écart, le fait de chasser quelqu’un. L’exact contraire de l’inclusion, en toute logique, laquelle renvoie à un message plutôt positif.
Une situation à peu près similaire s’était présentée sous le gouvernement Di Rupo, il y a une bonne dizaine d’années. Une «réforme des allocations de chômage» avait eu lieu. Il s’agissait «d’augmenter la dégressivité des allocations de chômage», pour «favoriser l’insertion», voire «permettre aux jeunes de trouver un emploi».
Le Premier ministre était socialiste, tout comme la ministre de l’Emploi, Monica De Coninck (Vooruit). Le PTB et les syndicats ne s’étaient pas privés de dénoncer la fameuse «chasse aux chômeurs», pour mettre Elio Di Rupo en difficulté face à son électorat. Son cœur avait d’ailleurs saigné. Il l’avait déclaré après le terme de son mandat, début 2015.
«Exclure les gens du chômage après deux ans, on l’approuve beaucoup parmi les électeurs.»
Exclure des personnes du chômage, donc. Aujourd’hui, la réforme du gouvernement Arizona est conclue. Elle a été échelonnée dans le temps, certes, mais sera bien d’application dès l’an prochain.
La parole est beaucoup moins louvoyante, cette fois. Y compris dans les déclarations des membres du gouvernement, en premier lieu du ministre en charge du dossier, le libéral David Clarinval. Il ne tourne pas autour du pot. On exclura autant de chômeurs à telle date, puis autant à telle autre date. Ils recevront une lettre, de manière à être prévenus. On espère sincèrement qu’ils trouveront du boulot. Mais on les exclura, sans qu’il n’y ait besoin d’euphémiser.
Peut-être s’agit-il aussi d’une façon de ménager ou satisfaire son électorat, après tout. Les partis au pouvoir le savent, ils ont en grande partie été élus pour prendre ce type de mesures. Exclure les gens du chômage après deux ans, on l’approuve beaucoup parmi les électeurs de ces mêmes partis. Et on ne le désapprouve pas tant que ça, à vrai dire, chez les électeurs de certains autres partis. Alors pourquoi tourner autour du pot?