Jean Gol, Joseph Lebeau, Emile Vandervelde et tous les autres: les partis politiques aiment se référer à leurs figures historiques. Ca vous construit une crédibilité, sans doute. Même lorsque vous rompez avec la tradition de votre camp.
Revenir aux fondements, regarder devant tout en restant enraciné dans son histoire. Parce qu’ils sont tenus d’évoluer ou parce qu’ils s’engagent dans un processus de refondation, les partis politiques sont en mutation presque constante. Souvent, lorsqu’ils réinventent, ils ont recours au passé glorieux et à leurs figures tutélaires.
Le Parti socialiste a une histoire longue de 140 ans. Aussi, au moment de se reconstruire, celui-ci décide de mettre sur pied une «Ecole du militantisme et de l’engagement», proposant des formations diverses et variées pour militants et citoyens. L’appellation permet en outre de former un acronyme: «Emile».
Emile? Vandervelde, comme «Institut Emile Vandervelde», le centre d’études du PS, et surtout comme la personnalité qui a fondé, façonné et marqué le Parti ouvrier belge (POB) durant plus de 60 ans.
La fondation d’Ecolo est bien plus récente. Il était naturellement plus compliqué pour les verts d’avoir recours à une personnalité aussi ancestrale au moment de créer un centre d’études, en 2021, pour les 40 ans du parti. Il porte donc le nom de Jacky Morael, disparu quatre ans auparavant, figure des premières heures, puis artisan de l’ascension des écologistes, jusqu’à la participation au pouvoir en 1999.
Le PTB dispose d’un centre d’études, mais ne lui a pas donné le nom d’une personnalité. Pas plus que Les Engagés, qui ont effectué une refondation en prenant précisément soin de «ne rien renier» mais de tourner la page de leur pilier idéologique initial. DéFI dispose de son Centre d’études Jacques Georgin, militant FDF tué en 1970 par des activistes flamingants d’extrême droite.
Souvent, lorsqu’ils se réinventent, ils ont recours au passé glorieux et à leurs figures tutélaires.
Enfin, et c’est presque étonnant, le parti dont le président est celui qui rompt le plus avec sa tradition est aussi celui qui recourt le plus volontiers à ses personnalités historiques. C’est du moins ce qu’on dit de Georges-Louis Bouchez, dont le style serait en rupture avec l’histoire libérale. Et qui invite son Premier ministre (N-VA) à la journée des familles du MR, lui dont les inspirateurs et l’héritage idéologiques sont bien éloignés de la tradition libérale.
Les libéraux célèbrent les 20 ans d’existence du Centre Jean Gol et commémorent la disparition de l’homme politique, survenue il y a 30 ans. Ses héritiers apprécient assez peu l’usage qui est fait de son nom aujourd’hui…
Georges-Louis Bouchez lui-même s’est régulièrement placé dans le sillage un peu belgicain d’Omer Vanaudenhove, président du Parti de la liberté et du progrès (PLP), formation encore unitaire dans les années 1960. Lorsque son parti lançait un outil d’intelligence artificielle en 2024, il le baptisait «Victor», en hommage à Victor de Laveleye, personnalité libérale de la première moitié du XXe siècle. Et quand le Centre Jean Gol lance une série de podcasts, comme ce fut le cas cet été, il l’intitule «Joseph» en hommage à Joseph Lebeau, le premier Premier ministre libéral du pays. «Pionnier du pluralisme et fervent défenseur de la liberté et de la séparation des pouvoirs, Lebeau reste une figure inspirante», soulignait le centre d’études d’un parti qui aime à prendre des directions inattendues. Mais sans oublier de reconvoquer visiblement son histoire, longue de presque 180 ans, pour le coup.