La réforme des droits d’enregistrement en Wallonie n’a pas fini de faire parler d’elle. S’agissait-il d’une fausse bonne idée? La critique est-elle trop facile? Elle offre du moins un beau débat politique, où s’opposent des arguments bien légitimes.
Qu’est-ce qu’un beau sujet de débat politique? Peut-être une de ces thématiques dont on sort un peu moins bête, parce que les arguments avancés s’opposent tout en étant légitimes. En réalité, l’affaire est un peu plus nuancée qu’elle ne le semblait de prime abord. Ainsi en est-il, probablement, de la question de la réforme des droits d’enregistrement en Wallonie, qui anime les élus régionaux ces derniers mois. Ce 10 novembre encore, le ministre-président Adrien Dolimont (MR) a été cuisiné sur le sujet par des députés de tous bords.
Il y avait d’abord une idée, séduisante a priori. Il s’agissait de rendre l’accès à la propriété, pour une habitation propre et unique, plus aisé, particulièrement pour les jeunes adultes. Le taux des droits d’enregistrement est donc passé, au 1er janvier dernier, de 12,5% à 3%. C’était une des mesures phares du jeune gouvernement. En parallèle, une série d’aides et d’abattements disparaissait, permettant de gagner en lisibilité.
Mais rapidement, la mesure a pu s’apparenter à un merveilleux exemple de fausse bonne idée. C’est du moins ce qu’a défendu l’opposition, notamment parce que, linéaire et faute de mécanismes correcteurs, cette réforme risquait de profiter aux plus nantis, capables d’acquérir des biens plus onéreux.
Les données fournies par la Fédération des notaires (Fednot) ont apporté de l’eau au moulin de l’opposition. Durant les neuf premiers mois de l’année, le prix médian des appartements a augmenté de 5,8% en Wallonie, tandis que le prix médian des transactions a gonflé de 12,9%, soit plus qu’ailleurs en Belgique. La conclusion à en tirer n’est guère difficile à saisir: la réforme s’apparente à un cadeau fiscal aux vendeurs et aux acquéreurs les mieux dotés, la baisse du taux ayant été engloutie par la hausse du prix.
Voilà donc une réforme coûteuse, passant à côté de son objectif et ne s’attaquant pas à l’offre de logement à proprement parler. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu, soutient l’opposition.
Face à l’argument de la fausse bonne idée, Adrien Dolimont, lui, n’a de cesse d’opposer celui de la critique facile. Là, un degré de nuance supplémentaire s’introduit dans le débat et, selon le libéral, on a vite fait de jeter le bébé avec l’eau du bain.
La moindre proportion de droits d’enregistrement dans le prix global conduit les acquéreurs à accéder plus facilement au crédit hypothécaire, en devant débloquer moins de fonds propres, soutient-il. C’était bien un objectif de la réforme. Le marché s’est dynamisé, ceci expliquant aussi la hausse, et les jeunes acquéreurs seraient plus nombreux, ce qui était aussi un objectif. Enfin, argumente-t-il encore, il faut observer la nature des biens acquis, globalement de meilleure facture, «soit plus grands, soit mieux équipés, soit dont les travaux de rénovation sont déjà effectués…» L’augmentation globale n’est donc pas que le fruit d’une inflation, mais tient aussi au fait que les acheteurs se sont orientés vers des biens plus chers.
La réforme des droits d’enregistrement sera évaluée, assure-t-on. Quoi qu’il en soit, elle continuera à produire ses effets, qu’ils soient pervers, vertueux ou les deux. Elle alimentera encore le débat politique décidément intéressant et un peu plus complexe qu’il n’y paraît.