Les femmes sont davantage sujettes aux migraines. Sans que la science ne puisse véritablement encore expliquer pourquoi. Et alors que la médecine, souvent, minimise leurs douleurs.
La douleur s’était révélée tellement violente qu’elle en avait vomi. Et appelé le docteur de garde; c’était un dimanche, tant pis pour la note salée. Sa migraine avait duré deux jours, jamais ça n’avait été douloureux à ce point avant, jamais ce ne le fut après, mais Stéphanie en avait quand même touché un mot un peu plus tard à son médecin traitant. Sa réponse la laisse encore dubitative: «C’est normal d’avoir mal à la tête, quand on a ses règles». Ah bon.
Sabine Debremaeker, elle, ne trouve de soulagement lors de ses épisodes migraineux qu’en plaçant une poche de glace de la taille d’un oreiller sous sa tête, et une autre au-dessus. «Les médecins m’avaient dit: pas plus d’une demi-heure. Tu parles, je reste trois heures comme ça, sans bouger, parce qu’au moindre mouvement la douleur s’accentue», raconte celle qui a fondé l’association La voix des migraineux, dans l’ouvrage Les négligées. Enquête au cœur du business de la santé des femmes (éditions Harper Collins).
Cette Française aurait tout aussi bien pu nommer son asbl La voix des migraineuses, tant cette pathologie est d’abord féminine; les femmes seraient deux à trois fois plus touchées que les hommes. Selon une récente étude de Sciensano sur l’état de santé des Belges, 12,2% des femmes souffrent de maux de tête, contre 8,9% des hommes.
«C’est normal, d’avoir mal à la tête, quand on a ses règles». Ah bon.
«Pourquoi cette [prévalence]?, s’interrogent les journalistes Solenne Le Hen et Marie-Morgane Le Moël dans Les négligées. Les chercheurs n’ont pas encore identifié les causes, mais l’idée d’un double terrain favorable semble aujourd’hui faire consensus.» Celui de complexes prédispositions génétiques, d’abord. Celui des hormones féminines, ensuite, et plus particulièrement du CGRP -de son long nom calcitonin gene-related peptide–, un peptide libéré lors des crises, dont la présence dans le corps de ces dames varie selon le cycle hormonal. Avec un pic le premier jour des règles, «d’où les migraines fréquentes à ce moment». Une étude hollandaise, menée en 2018, a d’ailleurs démontré que les hommes migraineux présentaient des taux d’œstrogènes supérieurs à la moyenne masculine.
Reste que «fréquent» ne veut guère dire «normal». Selon Sabine Debremaeker, les patients qui s’épanchent quant à leurs maux auprès de leurs généralistes sont souvent peu sérieusement entendus (ils renverraient trop souvent vers des psychologues, qui finiraient à leur tour par prescrire du paracétamol; inefficace, bien entendu), faute de connaissances médicales adéquates. Et de stéréotypes de genre bien intégrés, peut-être. Du «c’est dans leur tête» au «toutes de fragiles créatures» en passant par le «sans doute encore une qui cherche un prétexte pour échapper au devoir conjugal», autant de clichés qui atténuent, souvent, les douleurs déclarées par le «sexe faible».
Pour ne pas être considérés comme des chochottes, beaucoup d’hommes tairaient par ailleurs leurs maux de crâne et minimiseraient la maladie. Tandis que les neurologues, en optant pour une spécialisation au cours de leur formation, choisiraient rarement la migraine. Pas assez prestigieux, estime Sabine Debremaeker. Qui ajoute: «Cette impression, cette rumeur, cette idée préconçue que la migraine est « maladie de bonne femme », ça doit être à l’origine de tout». Sauf d’un remède.