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La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Le TDAH, ce trouble que les médecins imaginent rarement au féminin

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Bien que le TDAH affecte autant d’hommes que de femmes (à l’âge adulte), des dernières sont sous-diagnostiquées, ou plus tardivement. La faute aux stéréotypes de genre, encore et toujours. Et aux stratégies d’adaptation typiquement féminines.

«On m’a tout trouvé: dépression, cyclothymie, bipolarité, maniaco-dépression, hyperémotivité…» Mais Doris, 37 ans, en est persuadée: son «problème», c’est le TDAH. Trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité. Elle a vu un reportage à la télé, sur une famille dont chaque membre en était atteint. C’était tout elle, explique-t-elle sur le forum du site tdah.be. Toutes ses souffrances expliquées par un acronyme. Ses rêveries d’écolière, ses angoisses d’adulte. Son impossibilité à étudier puis son instabilité professionnelle. Son comportement jugé trop excessif, cette agressivité qu’elle qualifie plutôt d’arrogance. Ses espoirs, aujourd’hui, qu’une médication adaptée l’aide à vivre plus sereinement.

Jasmine, Louise, Hortense, Laurette, Andréa, Lucie, Adeline, Amélie, Séverine ou encore Camille racontent les mêmes grandes lignes d’un vécu similaire. Dans cet espace digital d’échange, assez peu de témoignages masculins. Ce qui ne relève peut-être pas d’un hasard: en matière de TDAH, les femmes sont sous-diagnostiquées. Ou beaucoup plus tardivement.

Passer inaperçu: une aptitude décidément bien féminine.

Pourtant, à l’échelle mondiale, ce trouble de l’attention affecte environ 3% des adultes sans aucune discrimination de genre: 50/50, pas de jaloux. Si tant de femmes passent entre les mailles médicales (et ne bénéficient donc pas d’un traitement), ce serait d’abord… à cause d’elles. Ou, plutôt, en raison de leurs stratégies d’adaptation, davantage développées. «Elles ont de meilleures stratégies adaptatives et moins de troubles externalisés, comparativement aux hommes», décrivait la docteure Marie Gachet, lors d’un colloque dédié au sujet en 2022. Passer inaperçu: une aptitude décidément bien féminine.

D’autant qu’elles sont surreprésentées au sein du type le moins visible de TDAH parmi les trois existants (inattention, hyperactivité-impulsivité ou mixte). «Chez les femmes adultes, comme chez les jeunes filles, la forme inattentive est prédominante, avançait Marie Gachet. Lorsqu’elles présentent des symptômes d’hyperactivité-impulsivité, ils sont moins sévères.» Historiquement, les études sur ce trouble ont surtout porté sur des cohortes masculines, orientant les diagnostics vers la forme la plus visible. D’ailleurs, qui pourrait imaginer qu’une fillette soit hyperactive et impulsive? Ne sont-ce point là des comportements typiquement masculins, dans l’imaginaire collectif, et donc un peu aussi dans l’œil médical?

Cet enchevêtrement de facteurs et ces sous-diagnostics ne seraient pas si dramatiques s’ils n’entraînaient pas un effet non négligeable sur la santé de celles qui en souffrent. Pour ces TDAH qui s’ignorent, le risque d’être hospitalisées en psychiatrie serait 2,4 fois plus élevé, tandis que leur consommation d’alcool et de drogues se révèle davantage problématique, et que les risques de mortalité par accident sont plus élevés en raison de leur appétence pour les pratiques à risque.

Il leur faut parfois sortir d’un burnout ou d’une dépression pour que ces quatre lettres s’appliquent enfin sur leur mal-être. Ou que l’un de leurs enfants soit diagnostiqué pour qu’elles réalisent elles-mêmes des tests et découvrent le nom du mal qui les ronge depuis toujours. Et surtout, le traitement qui leur permettra de vivre plus paisiblement. Combien de souffrances pourraient être évitées si la médecine était parfois moins sexiste?

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