La majorité n’arrête pas de dire que l’opposition ment, et l’opposition n’a de cesse de dénoncer les mensonges de la majorité. Et s’il y avait une morale à tirer de ces accusations stériles?
La semaine dernière, à la Chambre, Raoul Hedebouw a accusé depuis l’opposition Georges-Louis Bouchez de mensonge, parce que l’accord de gouvernement prévoyait une hausse de certaines taxes environnementales, et que le MR l’avait négocié puis voté tout en jurant qu’il ne contenait aucune hausse de taxes. Georges-Louis Bouchez a répondu qu’il était mensonger de le taxer de mensonge puisque jamais le MR ne voterait ces hausses de taxes, et Raoul Hedebouw a rétorqué qu’il était mensonger de taxer de mensonge sa taxation de mensonge puisque le MR au Parlement européen avait voté ces hausses de taxes, l’incident a été clos et heureusement parce qu’ils allaient s’accuser de mentir sur le mensonge du menteur par celui qui ment sans dire la vérité.
«Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien», disait Hannah Arendt. Peut-être que cette citation a été inventée, de toute façon, comme elle le disait elle-même, tout cela n’a sans doute plus beaucoup d’importance. Mais à l’heure où en permanence chacun s’accuse mutuellement de mensonge, la vérité s’annule. Et puisque les faits, dès lors, ne sont plus crus, ne reste alors plus que la morale, qui classe les menteries respectives selon la noblesse de cœur de celui qui les professe. Il ne s’agit alors plus de distinguer le vrai du faux, mais de choisir le menteur le moins malhonnête.
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Il y a quelques mois, la majorité wallonne a jeté l’opposition au fumier parce qu’une députée écologiste particulièrement menteuse avait remarqué un trou de 75% dans un budget pour la biodiversité. C’était tout juste si le gouvernement ne réclamait pas l’intervention de la police militaire pour l’expulser du parlement pour mensonge irréfragable.
A l’heure des vrais comptes, il a été établi que ce budget de la biodiversité serait raboté de 55%. Mais l’incident n’a pas été clos et les écolos de l’opposition seront encore pris longtemps pour des menteurs, pas tout à fait à tort, mais quand même pas complètement à raison.
Il y a quelques mois aussi, la majorité fédérale a lancé l’opposition dans les poubelles parce qu’un député socialiste spécialement mensonger avait cité un article de presse qui citait un conseiller de cabinet du ministre de la Santé qui prévoyait la fermeture de plusieurs hôpitaux plus petits, et encore un peu les partis du gouvernement exigeaient la destitution du député et l’interdiction de son parti pour fake news entéléchique. Depuis, il est toujours question de «rationalisations» dans le secteur hospitalier, mais qu’importe, parce que les socialistes de l’opposition seront encore pris longtemps pour des menteurs, ce qui n’est pas complètement injustifié, mais n’est pas pour autant tout à fait vrai.
Mais alors quel est, éthiquement, le pire mensonge?
Le mensonge puissant du pouvoir, qui sait mais qui essaie de ne pas dire?
Le mensonge cuisant de l’opposition, qui est un contre-pouvoir, qui ne sait pas mais qui essaie de dire?
Ou bien le mensonge surpuissant du pouvoir qui taxe l’opposition de mensonge alors qu’il sait qu’elle ne ment pas vraiment?
Quel est, éthiquement, le pire mensonge?