Joseph Ndwaniye

«Entendre la Brabançonne à Kigali, c’est le symbole que le sport trace un pont là où la diplomatie est enlisée» (chronique)

Joseph Ndwaniye Infirmier et écrivain.

Les médailles de Remco Evenepoel et d’Ilan Van Wilder aux Championnats du monde de cyclisme au Rwanda rappellent qu’il existe un chemin commun entre Bruxelles et Kigali.

Il y a des victoires qui dépassent le sport, des podiums qui témoignent davantage de la sueur des coureurs et de la beauté de l’effort. Le 21 septembre dernier à Kigali, lorsque Remco Evenepoel a franchi la ligne d’arrivée en champion du monde de la course contre-la-montre et qu’Ilan Van Wilder est monté sur la troisième marche, les applaudissements ont résonné bien au-delà du redoutable mur de Kigali. Car il ne s’agissait pas seulement d’une performance sportive.

Ce double exploit belge s’inscrivait dans un contexte lourd, marqué par des tensions diplomatiques entre la Belgique et le Rwanda. Pendant plusieurs mois, on a douté de la présence de la délégation belge aux Championnats du monde. Les hésitations, les tergiversations, les discours officiels laissaient planer l’ombre d’une absence qui aurait été perçue comme un geste de plus dans le bras de fer qui oppose les deux pays. Et puis, trois mois avant le début des compétitions, la décision est tombée. Les coureurs belges iront à Kigali. Ils ont pris le départ sur les routes de la ville et affronté ses collines impitoyables. Ils ont été accueillis par les chants du public rwandais, généreux, qui se mêlaient à ceux des cyclistes amateurs venus de Belgique. Comme si, dans l’enthousiasme de la foule, les crispations diplomatiques s’étaient soudain dissipées. Les drapeaux belges agités dans les rues de Kigali disaient autre chose que la froideur des chancelleries: ils rappelaient qu’au-delà des divergences politiques, il existe une histoire, des liens humains, des amitiés anciennes.

Il y a des victoires qui dépassent le sport.

Voir Remco Evenepoel, l’un des plus grands talents du peloton mondial, soulever son maillot arc-en-ciel à Kigali, c’était aussi voir le Rwanda au centre du monde. Entendre La Brabançonne résonner sur le sol du pays des mille collines avait quelque chose de paradoxal et de beau à la fois: le symbole que le sport pouvait tracer un pont là où la diplomatie s’était enlisée. Certains diront que ce n’est qu’une parenthèse, une illusion passagère. Que l’enthousiasme des foules ne suffit pas à effacer les désaccords politiques. C’est vrai. Mais il serait dommage de ne pas saisir cette opportunité. Car si le vélo nous apprend quelque chose, c’est que l’endurance finit par payer. Qu’après la pente la plus rude vient toujours une descente qu’il faut bien négocier, et que le peloton, malgré ses rivalités, avance toujours ensemble vers la ligne d’arrivée.

Ces Championnats du monde resteront dans l’histoire comme les premiers organisés sur le continent africain. Pour les Rwandais, ils sont une fierté. La vitrine de ce qu’un peuple africain, d’un pays si petit en taille, peut gérer un événement d’envergure mondiale. Pour les Belges, une confirmation de leur excellence cycliste. Mais pour les deux peuples, ils pourraient être plus encore une occasion de réapprendre à se regarder autrement. Alors merci Remco, merci Ilan… Vos médailles n’ont pas seulement fait battre nos cœurs de passionnés de cyclisme. Elles nous rappellent que le sport peut être plus qu’un jeu de jambes: une invitation à rouvrir les portes, à tendre les mains, à croire qu’entre Kigali et Bruxelles, il existe encore un chemin commun. Mais quand même, cher Remco, pourquoi, le 28 septembre lors de la course en ligne, as-tu stoppé net ton élan sur les pavés de Kimihurura alors que tu pouvais encore contester la victoire à Pogacar et lever les bras une deuxième fois?

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