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La dernière sacrée paire de Mélanie Geelkens | Après quasi 300 chroniques, pourquoi il est temps d’arrêter!

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Les vacances arrivent et, à la rentrée, Une sacrée paire ne reviendra pas, comme cette chronique avait l’habitude de le faire depuis presque six ans. Non pas que les inégalités de genre n’existent plus. Mais…

Voilà, c’est fini. C’est un peu triste, oui, oui. Mais ça faisait presque six ans, tout de même. Un peu moins de 300 chroniques, à la grosse louche. Il ne faudrait pas lasser. Répéter. Alors cette «Sacrée paire» sera la dernière.

Et dire que l’ex-rédacteur en chef du Vif, à qui revient la paternité d’une rubrique féministe hebdomadaire, s’était demandé s’il serait possible de trouver une thématique chaque semaine! L’inspiration n’a jamais manqué et, d’ailleurs, si ce texte n’était pas l’ultime, il porterait sur cette étude néo-zélandaise qui démontre que les hommes, au sein d’une relation, développent des sentiments en moyenne un mois avant les femmes (alors, c’est qui les fleurs bleues?).

C’est finalement assez inquiétant, que ces lignes n’aient jamais eu de mal à être remplies. Que les inégalités de genre se nichent à ce point dans tous les interstices sociétaux. Qu’il faille démolir, déconstruire, décrypter tant de mythes, de stéréotypes et de clichés. Qu’un Gérard Depardieu succède à un Roman Polanski, qu’un R. Kelly précède un P. Diddy (et tutti quanti). Que même une barre de vélo, un mouchoir, un Croc’hippo ou encore un pin’s soient révélateurs de tant d’iniquités. Bon, ok, désormais, c’est Brigitte qui gifle Emmanuel, mais la quête féministe d’égalité n’a jamais signifié l’appropriation des comportements masculins déviants.

Il y aurait eu encore tellement à écrire, et tant de bons mots à essayer de placer. Mais en 2019, quand ce rendez-vous hebdomadaire a débuté, au tout début de la vague MeToo, ce type de décryptage genré était encore innovant, alors que, désormais, il ne semble plus se passer une minute sans qu’une maison d’édition ne publie un livre sur la cause ou qu’une influenceuse ne prenne virtuellement position.

Mais ces bouquins et ces posts ont un (gros) défaut: ils prêchent majoritairement des convaincues. Alors que ces modestes quelques lignes se sont imposées à une audience qui n’avait rien demandé, dans un média généraliste ayant une large audience masculine. Bien sûr, il était toujours possible de tourner la page, mais beaucoup l’ont apparemment plutôt lue. En témoigne cette lettre manuscrite (précieusement conservée) d’un abonné de 93 ans, cet e-mail d’un professeur de français, ce message d’un consultant luxembourgeois, ces mots d’un confrère… Il y a une règle, en journalisme: d’habitude, seuls les mécontents prennent la peine et le temps d’écrire. Sans forfanterie, il y eut ici vraiment beaucoup d’exceptions. 

Donc voilà, Une sacrée paire, c’est fini, ceci est la dernière, vraiment, merci.

Bien davantage que les insultes. Qui, certes, fusèrent parfois, surtout sur ces nauséeux réseaux sociaux, du drôle «iel dirait moins de conneries avec une bonne bite en bouche» au psychanalytique «elle a dû subir des abus durant son enfance pour détester autant les hommes», en passant par l’hypothétique «sans doute cette mégère n’a-t-elle pas encore rencontré celui qui allait enfin bien la baiser». Tant d’attention et d’importance accordées aux phallus, décidément.

Les messages positifs furent, heureusement, plus intéressants. Exprimant tous ce même remerciement: «Je ne suis pas toujours d’accord, mais ces chroniques m’ouvrent les yeux sur des réalités auxquelles je n’avais jamais pensé.» Quel privilège. Quel honneur d’ainsi avoir pu planter ces petites graines dans des terreaux où la déconstruction n’avait pas spécialement envisagé d’y éclore.

Donc voilà, Une sacrée paire, c’est fini, ceci est la dernière, vraiment, merci. C’est un peu triste, oui, oui. Du moins pour moi. Et, je l’espère, un peu pour vous aussi.

Pour (re)lire les presque 300 précédentes Sacrées paires, c’est ici 🙂

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