Guillaume Gautier

La chronique de Guillaume Gautier | Van Aert face à la peur de l’étiquette du loser

Guillaume Gautier Journaliste

Wout van Aert attend désespérément sa première victoire de la saison. Sur le Tour d’Italie, il devra briller sous peine d’être catégorisé comme un coureur du passé.

Le mois de mai est là, et il n’a pas encore levé les bras. Une anomalie dans la carrière de Wout van Aert, plutôt du genre à collectionner les bouquets printaniers. Les derniers débuts de saison sans victoire remontent au monde d’avant, en 2019, une période où Tadej Pogacar débarquait dans le peloton professionnel. Peut-être qu’une partie de l’explication se trouve là, parce que l’appétit gloutonnesque du phénomène slovène s’est mis à trouver digestes les pavés sur lesquels Wout van Aert aime tant briller.

Devenu le troisième homme des Flandres, spectateur privilégié mais souvent distancé du nouveau duel à la Une entre Tadej Pogacar et Mathieu van der Poel, le Belge n’est même plus parvenu à gagner quand ils n’étaient pas là. Sur Dwars door Vlaanderen, tout semblait pourtant écrit: une échappée à quatre, en compagnie de deux de ses équipiers de l’équipe Visma pour un trois contre un face à l’unique Neilson Powless. Emmené jusqu’au sprint, van Aert est battu par l’Américain, pourtant bien moins rapide que lui sur papier.

Un spectacle tragicomique qui n’amuse plus du tout les fans du vainqueur de Milan-Sanremo 2020 quand quelques jours plus tard, après avoir fini au pied du podium sur le Tour des Flandres et Paris-Roubaix (ses deux grands objectifs de la saison), il est une fois de plus battu au sprint, par Remco Evenepoel cette fois, sur la ligne d’arrivée de la Flèche brabançonne. Trois ans après avoir rivalisé avec les meilleurs sprinteurs, au point d’enfiler sans contestation le maillot vert du Tour de France, Wout van Aert semble devenu incapable de faire parler sa pointe de vitesse. On dit que les chutes et la paternité l’ont incité à jouer moins souvent les équilibristes dans des emballages massifs, mais même les arrivées en petit comité paraissent désormais devoir lui échapper.

Trois fois deuxième sur des courses dont on ne retient que les vainqueurs, trois fois quatrième sur celles où les podiums comptent plus qu’ailleurs, le porte-drapeau du cyclisme belge sur les courses qui font vibrer les spectateurs du nord du pays se bâtit bien malgré lui une drôle de réputation. De Poulidor pour les uns, de loser pour les autres. Parce que si son palmarès est certes bien garni, rares sont ceux qui l’auraient imaginé atteindre la trentaine avec un seul des cinq monuments du calendrier des classiques dans la besace. Comme David Goffin sur les courts de tennis, Wout van Aert fait désormais partie de ceux dont le téléspectateur se moque gentiment, attendant presque plus impatiemment ses défaites grotesques que ses succès épiques. Quoi de plus scénarisé, dès lors, de l’avoir vu perdre ce sprint à deux au bout d’une préparation millimétrée et de jours de course accumulés face à un Remco Evenepoel qui avait fait de la Flèche brabançonne sa course de reprise?

Wout van Aert a sans doute besoin d’air. De rouler loin des fans belges et de la pression qu’ils représentent pour lui, afin de retrouver le goût du succès. L’an dernier, il avait dominé la concurrence sur le Tour d’Espagne jusqu’à devoir le quitter à la suite d’une chute. Cette fois, c’est l’Italie et son Giro qui l’attendent. Parce qu’il reste encore un peu de temps pour lever les bras avant la fin du printemps.

«Wout van Aert a sans doute besoin d’air. De rouler loin de ces fans belges et de la pression qu’ils représentent pour lui, afin de retrouver le goût du succès.»

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