Sous le hashtag #FullBushInABikini, la génération Z affiche fièrement les poils qui dépassent du maillot. Une revanche contre des décennies d’injonctions à l’épilation intégrale qui permet de redécouvrir les vertus physiques du poil pubien.
Sur TikTok, ils et elles (surtout) sont jeunes, audacieux, parfois simplement fatigués. Ils et elles dansent, sourient, portent leur slip de bain et laissent dépasser ce que des décennies de diktats esthétiques avaient tenté d’éradiquer: leurs poils pubiens. Le hashtag #FullBushInABikini, devenu viral en 2025, ne parle pas seulement de poils. Façon Christian Clavier dans Les Les Bronzés, il dit quelque chose de notre époque, de nos corps, de nos résistances. Derrière cette tendance, née d’un entrelacs de mouvements antérieurs (Januhairy en 2019, discours de body positivity postpandémie) se joue une revanche silencieuse et joyeuse contre les injonctions de l’épilation intégrale, omniprésente depuis les années 1990. Car si le «full bush» (littéralement «buisson complet») s’affiche aujourd’hui sur les plages et les réseaux, c’est après des décennies de disparition orchestrée.
Le poil pubien féminin a longtemps été perçu comme un corps étranger sur… le corps féminin. Le philosophe Georges Vigarello, dans Le Propre et le sale (Seuil, 1985), raconte combien l’hygiène a été, dans l’histoire, un outil de contrôle social, et combien les normes de propreté se sont entremêlées à des normes de genre. En d’autres termes: la pilosité des femmes a souvent été présentée comme une anomalie qu’il fallait corriger. A la cire. Au laser. A la honte. Et puis, certains hommes aussi s’y sont mis, ceux qu’on appelait les «métrosexuels». Ceux qui enchaînent les coups d’un soir et font face à des partenaires qui ont leurs exigences visuelles. Ceux qui consomment du porno jusqu’à se plier aux critères esthétiques de la profession d’acteur X pour paraître plus membrés (par effet d’optique, moins de poils = plus de portion de verge à nu), allant jusqu’à l’interfessier pour inviter au massage prostatique.
Le glabre n’est pas plus propre, il est juste plus normé.
C’est aussi à cela que répond la tendance «full bush» : à l’envie de reposer les questions fondamentales de l’intime. Pourquoi l’épilation intégrale est-elle devenue la norme? Pour qui nous rasons-nous?
Afficher ses poils a pourtant un coût. Sur les réseaux, les critiques pleuvent : «sale», «dégueulasse», «paquet de tabac». Comme l’analyse la sociologue Christine Castelain-Meunier, les normes corporelles sont des marqueurs puissants de contrôle social: le fait de les transgresser ne va jamais sans résistance.
Laisser ses poils dépasser du maillot de bain, c’est refuser que la sexualité soit conditionnée par des normes d’apparence imposées. C’est retrouver les vertus physiques du poil pubien: barrière contre les bactéries, régulateur d’humidité, protecteur contre les frottements… Et niveau sensation, pour peu qu’on entretienne son massif, qu’on le lustre avec un peu d’huile de noisette et qu’on le parfume, c’est un Nouveau Monde qui s’ouvre au(x) partenaire(s) férus d’aventures d’Indiana Jones. Un effet «plaid et tisane» parfait pour les soirées fraîches.
La touffe est accueillante, vivante, chaleureuse comme jadis une peau d’ours devant un feu de cheminée. Le glabre n’est pas plus propre, il est juste plus normé. Ce n’est pas un hasard si ce mouvement prend racine dans la génération Z, celle qui a grandi avec le féminisme intersectionnel, avec les hashtags comme étendards. Pas un hasard non plus si Maison Margiela a osé faire défiler des mannequins avec pilosité apparente en 2024. Le poil devient chic, politique et mode. Sans parler de l’argument écologique: en réduisant l’usage de rasoirs, cires, crèmes et autres gadgets énergivores, le «full bush» s’inscrit dans une sobriété esthétique que beaucoup voient comme salutaire, dans une époque qui appelle à repenser nos modes de consommation.
Alors non, le «full bush in a bikini» n’est pas juste une tendance TikTok de plus. C’est une déclaration d’amour et d’indépendance!