Comment exiger le respect du droit international si on devait entériner les conséquences de ses plus flagrantes violations?
En droit international, un Etat existe dès lors qu’une autorité exerce effectivement sa souveraineté sur un territoire donné à l’égard de la population qui s’y trouve. Ces jours-ci, la qualité étatique de la Palestine est parfois contestée au motif qu’aucune autorité n’y exercerait de souveraineté et qu’aucun territoire palestinien ne peut être défini. Pourtant, ce territoire est largement compris aujourd’hui comme étant constitué de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de la bande de Gaza. La Cour internationale de justice l’a défini de cette façon dans l’avis consultatif qu’elle a rendu le 19 juillet 2024, rappelant que «l’Etat d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais». A la suite de cet avis, l’Assemblée générale des Nations unies, à une très large majorité de ses membres incluant la Belgique, a estimé que ce retrait devrait avoir lieu le 18 septembre 2025 au plus tard.
Quant à l’ineffectivité de l’autorité palestinienne sur des portions importantes de son territoire, elle peine à constituer, du point de vue du droit international, un argument déniant à la Palestine sa qualité d’Etat dès lors qu’elle résulte principalement de son occupation illicite par Israël depuis des décennies. Cette ineffectivité est d’autant moins signifiante que le peuple palestinien est titulaire, en vertu de la Charte de l’ONU, d’un droit à l’autodétermination qui s’apparente, dans son cas, à un droit à se constituer comme un Etat, un droit qui pallie en ce sens un manque d’effectivité.
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Mais un Etat peut-il subsister lorsque l’ensemble de son territoire est occupé voire annexé? La question se pose en ce qui concerne la Palestine depuis que le Premier ministre israélien a annoncé, en août, le projet de prendre le contrôle total de la bande de Gaza et qu’une résolution adoptée par la Knesset en juillet appelle à imposer la souveraineté israélienne sur l’ensemble de la Cisjordanie. Il arrive parfois que les territoires d’Etats se trouvent totalement occupés voire annexés par des puissances étrangères. Lorsque cette absorption n’est pas fondée sur un véritable accord (comme dans le cas de l’absorption de la République démocratique allemande par la République fédérale allemande en 1990), elle doit être considérée comme invalide et ne peut offrir à l’Etat agresseur de titre valide de souveraineté sur les territoires pris. C’est ce qui permet de comprendre que la Belgique, qui avait reconnu l’Estonie et la Lettonie en 1921 puis la Lituanie en 1922, n’a jamais accepté leur disparition à la suite de leur annexion par l’URSS de 1940 à 1990. En droit international, le principe «ex injuria jus non oritur» signifie qu’un droit ne peut pas naître d’un acte illicite. Le professeur britannique Hersch Lauterpacht écrivait à son propos dans les années 1930 qu’«admettre qu’un acte illégal, ou ses conséquences ou manifestations immédiates, puisse devenir une source de droits juridiques pour le transgresseur de la loi, c’est introduire dans le système juridique une contradiction qui ne peut être résolue que par la négation de son caractère juridique». Comment exiger en effet le respect du droit international si on devait entériner les conséquences de ses plus flagrantes violations?
Anne Lagerwall