Il y a des gens qui, malgré l’accumulation des coups de la vie, se relèvent toujours. Avec le sourire. Le Ucclois Alain Brandeleer est de ceux-là. Pour ne pas rester impuissant.
Quand même, il y a des vies vraiment hors norme. Des gens vraiment pas comme les autres, sur qui on dirait que le sort s’acharne –prends ça! Et encore ça, tiens! Ils encaissent, ils encaissent, ils tombent, et chaque fois ils se relèvent. Avec le sourire. Pas parce qu’ils aiment les coups, mais parce qu’ils savent qu’il y a la lumière, là, au bout d’un truc qu’on appelle «tunnel», «chemin», «calvaire», «odyssée», comme on veut. Ils se relèvent avec le sourire, qui ravive leur flamme. Ils n’en pouvaient plus, mais voilà qu’ils peuvent à nouveau et ils y arrivent. Là où ils voulaient arriver. Alors que les autres ne savent même pas que ce «là» existe. Et ce que ce «là» signifie d’incroyable. De sublime.
Alain Brandeleer est de ces gens. Sa vie est de ces vies. Le 9 septembre dernier a été un de ces «là». Prodigieux. Parti d’Ibiza, cet Ucclois de 65 ans a atteint Formentera après 9h40 de nage pour franchir les 23 kilomètres qui séparent les deux îles espagnoles. Exploit. D’abord parce qu’il était parrainé par des sponsors et des particuliers sensibilisés par son objectif: soutenir The Ocean Cleanup, l’organisation internationale qui extrait les déchets plastiques des océans et des rivières. La prouesse d’Alain Brandeleer a permis d’intercepter un demi-million de bouteilles en plastique. La superficie de 1.400 terrains de football.
Surtout parce que l’homme qui a pris la mer le 9 septembre est né avec une atrophie au bras gauche et a ensuite été attaqué, en 2012, au Botswana, par un… crocodile de cinq mètres qui lui a broyé le bras droit. Le seul valide. Le game, qui avait tout de même mal démarré, devait donc s’arrêter là. Les obstacles, à la fin, ça vous abat. Pas les gens qui, toujours, se relèvent. Le courrier de remerciement d’Alain Brandeleer l’illustre aussi.
«Je remercie ma maman de m’avoir toujours considéré comme un enfant comme les autres.»
«Je remercie ma maman de m’avoir toujours considéré comme un enfant comme les autres, malgré ma différence. M’inscrire au hockey à 9 ans, un sport qui demande deux mains, fut un choix courageux. En me poussant à tout faire comme tout le monde, elle m’a donné la certitude que j’y arriverais. […] Le message que je souhaite transmettre est double: d’abord aux enfants qui naissent avec une différence, pour leur dire que tout est possible. La clé peut être sportive, artistique, littéraire, musicale… peu importe! L’autre partie s’adresse aux mamans qui donnent naissance à un enfant différent: ne culpabilisez pas! En aucune manière ce n’est votre faute. […] Moi aussi, j’ai dû apprendre à vivre avec des sentiments difficiles. Deux en particulier m’ont toujours posé problème: l’injustice et l’impuissance. Face à l’injustice, j’ai choisi de ne pas entretenir de rancune. Mais l’impuissance est plus difficile à gérer. Certaines situations échappent à toute volonté, comme la maladie… ou la destruction de la nature.»
Et donc, celui sur lequel le destin s’est acharné s’est levé pour ne pas rester impuissant. Il termine par deux phrases, l’une de Paulo Coelho, l’autre de Charles Bukowski, qui l’ont «toujours accompagné»: «Si vos rêves ne vous font pas peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands», «Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine: elle est mortelle.» Il y a des gens hors norme. De vrais super-héros. Juste à côté de nous.