Carte blanche

Quand l’aide sociale démotive au lieu d’émanciper

Une carte blanche de Marcela Gori, vice-présidente du CPAS d’Anderlecht.

«Non au bain de sang social», «L’Arizona attaque le service public», «Les Belges vont perdre leur filet de sécurité»… Depuis plusieurs mois, PS, Ecolo, PTB s’insurgent contre les réformes qui touchent notre système social. S’inquiéter de mesures encore à définir est légitime. S’insurger sans nuance est, au contraire, parfaitement malhonnête et contre-productif, car notre système social est malade et obsolète. Et ça devrait tous nous préoccuper.

Le CPAS d’Anderlecht dont j’ai depuis 6 mois la vice-présidence a été au centre de l’actualité. Et à raison vu les graves disfonctionnements révélés sur la gestion précédente: fraude, manque de suivi des dossiers, manipulation de procédures administratives. Au CPAS, les aides proposées sont nombreuses et couvrent un large éventail de besoins: le Revenu d’Intégration Sociale (RIS) pour un soutien financier de base, la carte médicale pour l’accès aux soins de santé, le remboursement des loyers, l’achat d’électroménagers ou d’un ordinateur, ainsi que la prise en charge des frais dentaires, des lunettes, et même des sorties scolaires. Le soutien s’étend également aux factures d’énergie impayées, et, fait surprenant, si vous choisissez de ne pas payer votre pension alimentaire, le CPAS peut s’en charger à votre place. Ces dispositifs comportent un vrai risque d’enfermer les allocataires sociaux dans leur statut puisque le CPAS se substitue alors entièrement aux responsabilités personnelles.

Qu’on soit clair, je n’accuse personne de profiter du système. Je peux comprendre, même si ça ne serait pas mon choix, qu’on puisse se dire que la situation est suffisamment confortable que pour y rester. Ce que je pointe du doigt, c’est le système qui permet ces abus et ces aberrations. Un système qui devient impayable.

Un piège à pauvreté

Vouloir protéger les plus vulnérables est noble et nécessaire. Mais cette ambition généreuse s’est au fil du temps figée dans des logiques bureaucratiques, déconnectées des réalités de terrain. Pire encore, il engendre désormais de profondes injustices et produit l’effet inverse de celui recherché : il décourage au lieu d’encourager, et pénalise ceux qui veulent s’en sortir. Les bénéficiaires d’aides sociales sont, en effet, souvent enfermés dans un système où chaque tentative d’émancipation – comme reprendre un travail à temps partiel ou lancer une activité – est immédiatement sanctionnée par une réduction drastique, voire la suppression, des aides perçues. Si nous pouvons comprendre qu’il est important de ne pas permettre à certaines personnes de cumuler aides et salaires, le mécanisme actuel crée «un piège à pauvreté». Depuis quand travailler plus ou vouloir se lancer est un risque et non une opportunité ?

Beaucoup de personnes aidées que je rencontre aspirent sincèrement à s’en sortir. Ce qu’il leur manque, ce ne sont pas la volonté ou les capacités, mais des incitants adaptés, un accompagnement digne, et une vision plus humaine de l’aide sociale.

L’émancipation ne se décrète pas; elle se construit, pas à pas, avec confiance et soutien. Tant que notre système continuera à sanctionner ceux qui essaient, il échouera à remplir sa mission fondamentale: celle d’offrir à chacun la possibilité de se relever, de se construire et de contribuer pleinement à la société.

Ce que la droite fait depuis un an, c’est repenser le système. Et contrairement à ce que certains politiques de gauche font croire à coups de petites phrases dans les médias, cela ne veut pas dire le démanteler. Le MR a toujours été, et sera toujours pour un accompagnement des personnes fragilisées. Mais l’argent doit aider ceux qui en ont réellement besoin. Réformer le CPAS, c’est le rendre plus juste, plus dynamique, plus émancipateur. Mais surtout, c’est lui assurer une certaine pérennité. Notre système sans réforme implosera sous le poids de son coût.

Marcela Gori

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