Carte blanche

Le MR s’explique sur son refus de reconnaître la Palestine: «La gauche confond geste symbolique et efficacité réelle»

Alors que les appels à la reconnaissance de l’Etat de Palestine se multiplient, le MR insiste sur l’idée de dépasser la tentation du symbole. Pour une paix durable, cela ne peut être un geste isolé mais l’aboutissement d’un processus crédible, garant de sécurité, de justice et d’avenir pour les deux peuples.

Depuis des décennies, les projecteurs s’allument et s’éteignent sur le drame israélo-palestinien, captant la détresse d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’aspirent qu’à vivre en paix de part et d’autre d’une frontière meurtrie. Quand la guerre éclate, ce ne sont ni les drapeaux ni les résolutions qui meurent, mais les peuples qui, loin des tribunes, subissent la faim, la peur et le deuil.

A l’heure où fleurissent, parfois dans la précipitation, les appels à la reconnaissance unilatérale de l’Etat de Palestine, il est nécessaire de rappeler que les postures politiques, qu’elles soient portées par émotion, idéalisme ou calcul, ne suffisent pas à briser les chaînes de la souffrance. C’est le sens de la position du Mouvement Réformateur, résolument attachée à une paix réelle et non à l’illusion d’une décision qui, au lieu de rapprocher les hommes, risquerait de renforcer les murs.

Refuser la facilité de l’émotion, choisir la responsabilité

Depuis 1999, le MR porte une conviction claire et pragmatique car il n’existe malheureusement pas de raccourci vers une paix durable. La reconnaissance d’un Etat palestinien, que nous avons toujours inscrite dans le cadre d’une solution à deux Etats, doit être le point d’aboutissement d’un processus de paix, pas un préalable déconnecté des réalités du terrain. Nous avons vu, à travers l’histoire récente, que l’empressement symbolique peut vite se révéler un piège. Près de 150 Etats ont reconnu la Palestine à ce jour: la vie quotidienne des Palestiniens à Jérusalem, à Gaza ou en Cisjordanie n’en a, hélas, pas été transformée. Leur sort, loin de s’améliorer, demeure tragiquement conditionné à l’absence de solution politique, de sécurité, de perspectives économiques.

«La reconnaissance d’un Etat palestinien, que nous avons toujours inscrite dans le cadre d’une solution à deux Etats, doit être le point d’aboutissement d’un processus de paix, pas un préalable déconnecté des réalités du terrain.»

La gauche, dans un réflexe bien compréhensible de solidarité, confond parfois geste symbolique et efficacité réelle. Or, la reconnaissance immédiate et unilatérale d’un Etat palestinien, sans garanties sur le désarmement du Hamas, la réforme de l’Autorité palestinienne ou un dialogue de paix crédible, revient à acter le statu quo: le peuple palestinien resterait otage d’intérêts politiques et de tutelles régionales, sans voir son destin s’émanciper de la tragédie.

Les familles de Gaza ou de Rafah ne se demandent pas dans quel parlement, à quelle tribune leur cause sera défendue aujourd’hui: elles veulent que les bombes se taisent et que les enfants rient à nouveau.

Il serait indécent d’ignorer la réalité des souffrances vécues à Gaza, où la famine et la privation dévastent une population assiégée. Le MR, avec fermeté, condamne les famines, les bombardements aveugles, les violations du droit humanitaire. Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat et à l’ouverture des accès humanitaires.

Le MR condamne la poursuite de la colonisation qui rend la création d’un Etat palestinien viable de plus en plus improbable. Le MR condamne la violence des colons à l’encontre des Palestiniens de Cisjordanie et de leurs biens. Nous nous dissocions des déclarations d’une partie de la classe politique israélienne qui nie toute possibilité de créer un Etat palestinien, qui annonce l’annexion pure et simple de la Cisjordanie et qui envisage d’expulser des Gazaouis en Libye ou ailleurs.     

«Le MR condamne la poursuite de la colonisation qui rend la création d’un Etat palestinien viable de plus en plus improbable. Le MR condamne la violence des colons à l’encontre des Palestiniens de Cisjordanie et de leurs biens.»

Israël doit, aujourd’hui plus que jamais, se conformer à ses obligations internationales. Mais ce combat pour la dignité, pour la vie, ne doit pas être dissocié de l’exigence d’un interlocuteur palestinien pacifié, représentatif et tourné vers la paix.

Ni angélisme, ni cynisme: une voie exigeante vers deux Etats

La seule option qui puisse assurer la sécurité, la dignité et la prospérité de deux peuples frères en humanité, c’est la solution à deux Etats. Elle requiert deux acteurs légitimes, engagés dans le respect du droit, de la démocratie, et de la coopération régionale. Reconnaître l’un sans garantir l’avenir de l’autre, c’est condamner la région à de nouveaux cycles de violences, où la paix resterait un mot creux, vidé de son sens par le silence des morts.

Certains appellent à la séparation entre la reconnaissance politique, symbolique d’une part et d’autre part la réalité juridique et concrète d’une reconnaissance d’un Etat sur le terrain, avec ses frontières, sa capitale, sa population et une autorité représentative et démocratique. Nous refusons cette facilité, car elle n’a jamais rapproché les peuples. Israël, avec toutes ses imperfections, sa diversité et ses débats houleux, demeure la seule démocratie de la région. Défendre son existence n’est pas nier l’injustice subie par les Palestiniens mais c’est au contraire choisir la voie d’un dialogue responsable où chacun doit se sentir légitime, respecté et en sécurité.

Le Hamas, rappelons-le, a aujourd’hui les clés de la paix entre ses mains: la libération des otages, l’abandon de la lutte armée, et l’acceptation d’un processus international de démilitarisation sont les premières étapes vers un futur étatique crédible. Cette dynamique doit s’accompagner d’une refondation de l’Autorité palestinienne, comme l’a d’ailleurs reconnu enfin Mahmoud Abbas récemment, afin de garantir une gouvernance tournée vers la paix et la légalité.

«Reconnaître la Palestine n’est pas un tabou, c’est un horizon. Mais à ceux qui réclament une reconnaissance immédiate, nous répondons que la dignité du peuple palestinien exige mieux qu’un geste sans lendemain.»

Pour une reconnaissance qui change la vie, pas les affiches

Reconnaître la Palestine n’est pas un tabou, c’est un horizon. Mais à ceux qui réclament une reconnaissance immédiate, nous répondons que la dignité du peuple palestinien exige mieux qu’un geste sans lendemain. Il lui faut un avenir, pas un symbole. C’est pourquoi le MR plaide pour une dynamique européenne, arabe et internationale coordonnée, solidaire, adossée à des engagements clairs en matière de sécurité, de démocratie, et de prospérité partagée.

C’est sur base de ces principes que le gouvernement belge pourra défendre à l’Assemblée générale des Nations Unies fin septembre une position solide juridiquement, réaliste politiquement, juste historiquement et humaine pour les deux peuples.    

Nous ne renoncerons jamais à cet horizon –deux Etats reconnus, deux peuples respectés, un Proche-Orient enfin réconcilié avec l’humanité qui les habite. L’urgence, aujourd’hui, n’est pas au symbole. Elle est dans la vie, la paix et la justice.

Benoit Piedboeuf, député fédéral et chef du groupe MR à la Chambre

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