La réforme du décret paysage, censée «réduire l’échec», engendrera avant tout l’exclusion, frappant d’abord les enfants de la classe travailleuse, obligés de jobber, pendant que ceux des familles aisées ont plus de temps pour étudier, prévient le député PTB Octave Daube.
Cet été, des étudiants et étudiantes ont passé leur seconde session avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ils savaient que rater un seul examen pouvait les rendre non finançables. Difficile de réussir quand chaque épreuve devient une menace d’exclusion définitive. Maintenant, les résultats tombent et des milliers de jeunes se voient exclus de l’enseignement supérieur, parfois pour seulement cinq crédits manquants ou un point sur une copie.
Mais ce n’est pas une fatalité. Les mobilisations étudiantes avaient déjà secoué le gouvernement précédent, contraignant une majorité alternative (PTB-Ecolo-PS) à voter un moratoire de la réforme pour un an. Nous appelons à la prolongation de ce moratoire.
Une vision élitiste de l’enseignement
Le gouvernement présente la réforme du décret paysage comme un moyen de réduire l’échec et d’accélérer les études. En réalité, elle risque surtout d’exclure celles et ceux qui rencontrent déjà des difficultés: les étudiants précaires, malades, confrontés à des problèmes personnels ou obligés de jobber à côté de leurs études. Cette réforme n’est pas neutre et elle ne touche pas tout le monde de la même manière.
Ces dernières années, les prix des kots, des repas ou du matériel n’ont cessé d’augmenter, et de plus en plus d’étudiants sont contraints de jobber pour tenir le coup. Le nombre d’étudiants qui travaillent a presque doublé en dix ans. Pourtant, toutes les études montrent que plus ils doivent travailler à côté de leurs cours, moins ils ont de chances de réussir. Pas par manque de volonté, mais parce que leur temps et leur énergie sont consacrés à des boulots devenus indispensables pour survivre.
Dès l’entrée à l’université, les dés sont pipés: certains peuvent compter sur un soutien familial, d’autres doivent travailler jusqu’à 30 heures par semaine, parfois même pendant la session d’examen. La réussite dépend donc avant tout des conditions matérielles et du temps qu’ils peuvent consacrer aux études. Sanctionner celles et ceux qui mettent plus de temps à terminer leur parcours, c’est punir cette réalité au lieu d’y répondre.
Et puis, il y a simplement celles et ceux qui ont un accident de la vie. Un parcours plus difficile pour x ou y raisons. On ne s’imagine pas bien le nombre d’étudiants qui ont témoigné avoir perdu un proche à l’approche des examens et qui se retrouvent exclus à cause d’une mauvaise session.
Pas une fatalité: un choix politique
Si le gouvernement avait vraiment à cœur la réussite des étudiants, la solution serait évidente: refinancer l’enseignement supérieur. Cela voudrait dire plus d’encadrement, des auditoires où il ne pleut pas à l’intérieur, des kots abordables et des bourses revalorisées. Mais non. À la place, on nous répète en boucle qu’«il n’y a pas d’argent», qu’«il n’y a pas le choix». Depuis des années, le budget de l’enseignement supérieur est sous enveloppe fermée alors même que le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter. Pendant la précédente législature, les recteurs francophones réclamaient déjà 150 millions d’euros. Une demande qu’ils ont réitérée à la nouvelle législature pour combler une partie du sous-financement.
Mais, de l’argent, il y en a. La somme demandée par les recteurs est dérisoire au regard des milliards qui apparaissent comme par magie dès qu’il s’agit d’armement. Le gouvernement trouve sans problème 4 milliards supplémentaires par an pour les dépenses militaires. Mais pas 150 millions pour notre enseignement? Voilà le vrai choix politique. C’est une vision de société où on préfère financer des F-35 plutôt que des places à l’université.
Il est encore temps d’agir
Enfin, cette réforme est non seulement injuste mais absurde. On exclut aujourd’hui des milliers d’étudiants avec un décret que la ministre prévoit déjà de remplacer l’an prochain. Comment justifier de sacrifier une génération entière sur l’autel d’une réforme vouée à disparaître de toute façon?
La ministre peut encore agir pour les sauver en gelant la finançabilité des étudiants et en ouvrant les inscriptions jusqu’au 31 octobre comme c’était le cas avant pour les laisser se réinscrire. Mais de nouveau, c’est une question de choix.
Ce décret n’a rien d’inévitable. La mobilisation étudiante a déjà forcé le gouvernement à reculer, et elle peut le faire à nouveau. Ils étaient plus de mille devant le Parlement, la semaine passée, pour exprimer leur colère, ils seront encore des centaines aujourd’hui et ils attendent de meilleures réponses que des matraques et des gaz lacrymogènes.
L’enseignement supérieur n’est pas un privilège réservé à quelques-uns, c’est un droit qui doit être défendu collectivement.
Carte blanche de Daube Octave, député PTB et vice-président de Comac.