Carte blanche

Gaza: en s’entêtant dans une politique de visa criminelle, la Belgique risque de se rendre complice de génocide

Dans cette carte blanche, des personnalités et organisations actives dans les droits humains, l’asile et les migrations alertent: en bloquant l’accès aux visas pour les Palestinien(nes) de Gaza, la Belgique prend le risque d’être complice du génocide en cours.

Malgré de grands discours sur la reconnaissance de l’Etat Palestinien, et celle du génocide en cours à Gaza, la Belgique met tout en œuvre pour empêcher des Palestinien(nes) de rejoindre leur famille dans notre pays. Pourtant des solutions existent.

Depuis 1948, tous les Etats ont l’obligation, en vertu du droit international, d’agir pour aider à prévenir ou arrêter un génocide. La Belgique également. Pourtant, même si le 27 mai 2025, le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot a utilisé le mot «génocide» en parlant de Gaza, rien n’est fait pour l’empêcher. Face à cette absence totale d’action, le contraste est flagrant avec l’accueil réservé aux Ukrainien(nes) en 2022: mise en place d’une protection temporaire, recrutement de 200 collaborateurs par Fedasil, procédures simplifiées.

Pire, la Belgique fait tout ce qui est en son pouvoir pour rendre impossible la délivrance de visas aux Palestinien(nes) alors qu’ils représentent une des seules solutions à disposition permettant de mettre à l’abri des cibles du génocide en cours. Devant l’inaction criminelle de l’Etat belge, nous –signataires et les familles palestiniennes que nous accompagnons– souhaitons le mettre face à ses contradictions. Nul ne peut signer la Convention de 1948 sur le génocide et, en même temps, faire tout ce qui est en son pouvoir pour le faciliter.

«L’Etat belge fait le choix délibéré de payer, avec de l’argent public, pour simplement retarder l’introduction de visas humanitaires.»

Un cynisme criminel

L’exigence de comparution en personne. Le 18 avril 2023, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné l’Etat belge à ne plus exiger la comparution en personne à l’ambassade lorsque la situation ne le permet pas pour les demandes de regroupement familial. Malgré cela, la Belgique continue de prétendre que rien n’empêche les Gazaoui(es) de se rendre à Jérusalem –alors que toute sortie de l’enclave est impossible– pour leurs demandes de visas humanitaires concernant les personnes ne faisant pas partie de la «cellule familiale» comme les enfants majeurs ou les frères et sœurs. Pour chaque refus d’introduction à distance, la famille doit faire condamner l’Etat au tribunal de première instance (TPI) et les condamnations ne manquent pas. L’Etat belge fait donc le choix délibéré de payer, avec de l’argent public, pour simplement retarder l’introduction de visas humanitaires.

Non-respect des délais et frais exorbitants. Les dossiers gazaouis devraient être traités en urgence, or c’est le contraire qui se produit. Le TPI a dû, à plusieurs reprises, condamner l’Etat belge pour le dépassement des délais de traitement –neuf mois pour une demande de regroupement familial. Dans un contexte de génocide caractérisé, comme c’est le cas à Gaza, chaque jour compte. Le ralentissement artificiel du processus d’introduction de visa humanitaire est donc littéralement criminel! De plus, les frais d’ambassade (180 euros) et les redevances (236 euros pour les visas humanitaires) sont disproportionnés pour des familles qui ont tout perdu. La charge financière repose entièrement sur les membres de famille en Belgique, et l’argent devient une question de vie ou de mort.

Refus arbitraires, évacuations refusées. Des refus de visa humanitaire pour Gaza ont été annulés à cause des motivations inappropriées de l’Office des étrangers. Des visas sont, par exemple, refusés parce que le lien de dépendance avec la famille en Belgique n’est pas assez démontré, ou parce qu’il resterait de la famille «encore en vie» à Gaza… Et même lorsque des Gazaoui(es) se voient accorder un visa, les autorités belges considèrent leur évacuation comme non prioritaire, ce qui, dans un contexte où les autorités israéliennes délivrent les autorisations de sortie au compte-gouttes, les rend en pratique inenvisageables. Malgré les discours officiels, la réalité du génocide n’est visiblement pas prise en compte par les autorités belges.

Nos demandes

Comment expliquer, Monsieur Prévot, ministre des Affaires étrangères, cet acharnement à bloquer toute procédure? Comment comprendre, Madame Van Bossuyt, ministre de l’Asile et de la Migration, que rien n’est mis en place pour les Palestinien(nes), alors que tant d’efforts ont été consentis pour les Ukrainien(nes)? Comment justifier, Monsieur le Premier ministre, qu’au-delà des beaux discours, la Belgique risque ainsi de se rendre complice d’Israël dans son projet génocidaire?

Le gouvernement belge échoue à répondre à l’impératif moral de la situation, aggravant par ses actes la détresse des familles. Nous demandons aux autorités compétentes de:

– permettre l’introduction de visas humanitaires à distance;

– réduire immédiatement les délais de traitement;

– supprimer ou diminuer drastiquement les frais;

– motiver les décisions en tenant compte du génocide en cours;

– faciliter les évacuations pour les personnes disposant déjà d’un visa.

La Convention de 1948 prévoit des sanctions si un Etat ne fait rien pour empêcher un génocide. Si la Belgique persiste, elle comparaîtra aux côtés d’Israël devant le tribunal des hommes et de l’histoire.

Ciré (Coralie Hublau), Défense des Enfants International (Imran Mosaddak), Dispensaire Social (Binta Liebmann Diallo), Fédération des Services Sociaux (Céline Nieuwenhuys), Fédération Internationale pour les Droits Humains (Alexis Deswaef), Ligue des Droits Humains (Sibylle Gioe), Medimmigrant (Inès Van Lamsweerde), Mentor Escale (Léa Tinevez), Mouvement Ouvrier Chrétien (Ariane Estenne), Refugee Legal Helpdesk (Jean-François Gérard), Service Social des Solidarités (Seso) (Joachim-Emmanuel Baudhuin), Groupe associatif Sireas (Emmanuel Mossay), Ulysse SSM (Farid Belkhatir)

Mehdi Abbes, Juliette Arnould, Djihane Benamara, Sara Benmoulahoume, Zohra Benomar, Julien Blanc, Serge Bodart, Maria Buatu, Adrien Cornu, Hélène Crokart, Marie-Pierre De Buisseret, Pascaline De Wolf, Simon Decoster, Gérald Deschietere, Nisrine El Haddadi, Adèle Dachy, Elise Delville, Claire Didisheim, Illias Elmouden, Adrien Fralonardo, Cécile Ghymers, Mathilde Hardt, Piet Heyvaert, Noémie Huyberechts, Sarah Janssens, Wajdi Khalifa, Domenico La Magna, Marine Lanoy, Astérie Mabenga, Elise Magitteri, Mimona Manouach, Anastasia Maxwell-Lawford, Margaux Minicucci, Thomas Mitevoy, Mélanie Mugrefya, Seydou Niang, Alessia Ortega, Tom Parmentier, Ludovica Piccioli, Laurence Qeets, Sarah Santele, Teresa Sotgiu, Anastasia Toussaint, Véronique Van Der Plancke, Anne Van Landschoot, Antoinette Van Vyve, Juliette Vanderstraeten, Myriam Vastmans, Marine Vryens

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