Carte blanche

Donald Trump, «dirigeant politique le plus diabolique de l’histoire»

Le président américain se rêve «historique», mais son influence politique semble surtout marquer une rupture inquiétante avec les valeurs démocratiques, met en garde François-Xavier Druet, docteur en Philosophie et Lettres. À travers insultes, désinformation et culte de l’indignité, son impact interroge la capacité du Bien à résister au Mal.

L’actuel président des Etats-Unis a pour ambition de marquer l’histoire. Dans son vocabulaire dont des études ont fait ressortir l’exiguïté, le mot «historique» occupe une position centrale. D’après lui, un décret, une mesure, un succès sont «historiques» quand ils surgissent –croit-il– pour la première fois dans l’histoire. Il se voit lui-même «historique»: n’a-t-il pas l’intime conviction d’être, même sans prix Nobel de la paix jusqu’ici, le meilleur président de l’histoire?

Partageons son avis: le personnage qui a envahi l’arène politique américaine en 2016 est sans conteste marquant. Mais «historique», premier dans l’histoire? Pourquoi pas, tout compte fait? Un critère joue en sa faveur: il est le tout premier chef d’Etat qui contribue avec une telle efficacité à la décadence de valeurs humaines principales.

La gent politique, les médias, les réseaux sociaux se sont donné le mot pour hisser sur le pavois un prototype d’immoraliste. Ils lui ont conféré une visibilité et une audience inédites, un impact national et international inégalé. Délibérément ou par nature, il use de cette influence pour inciter à mépriser, comme lui, des valeurs essentielles à la démocratie et à l’humanité même. Il est le dirigeant politique le plus diabolique de l’histoire, dans le sens où jamais avant lui un homme au pouvoir n’a œuvré avec autant de moyens et de réussite au progrès du Mal dans le monde.

Campagne pour l’indignité

À la stupeur de bon nombre d’êtres sensés, l’accession de Trump au pouvoir par les voies démocratiques a montré que l’indignité humaine n’était pas un obstacle, en politique, pour atteindre les sommets. Elle a peut-être même suggéré que cette indignité offrait désormais les meilleures chances de se faire élire. Serait-ce parce que l’indignité spectaculaire d’un chef dédouane ses partisans et électeurs de leurs indignités personnelles, mineures par comparaison?

Quand celui qui se permet tout sans aucune retenue est in fine élu, cela revient-il à plébisciter ses comportements? Admettons peut-être que certains le choisissent comme un moindre mal. Mais l’autojustification de la plupart des supporters n’est plus: «Les autres le font bien», mais «Le chef le fait bien».

Campagne pour les antivaleurs

À la question de savoir quels seraient les agissements d’un «Satan laïc», Gemini répond que l’expression peut être employée métaphoriquement «pour désigner des forces ou des comportements humains qui sont perçus comme intrinsèquement destructeurs, malveillants et opposés au bien commun».

Gemini n’est pas avare d’exemples: la haine gratuite, la soif de pouvoir sans limites, la destruction de l’environnement pour le profit, la manipulation des masses, l’ignorance volontaire, la propagation délibérée de fausses informations, l’opposition à la science et à la raison. Précisons que la question posée à l’intelligence artificielle est générale, sans la moindre référence au président Trump?

C’est donc aux citoyens que nous sommes de procéder nous-mêmes aux rapprochements adéquats. La haine en paroles, devenue ordinaire, de celui qui traite un gouverneur de «malade mental» et des juges de «racailles», et plus récemment une journaliste de «cochonne», attise la haine en actes, qui devient la pratique courante de ses supporters. Et la violence se propage partout: en sont victimes tous ceux qui sont perçus comme les «défenseurs du système» parce qu’ils exercent un service public: politiciens, policiers, mais aussi secouristes, employés publics, enseignants…

Ce constat sur la progression du Mal risque de donner des idées noires. Car, ce qui frappe aussi, c’est l’impuissance du Bien à endiguer cette furia destructrice. Que peuvent les Américains et que peuvent les autres pour faire front? N’y a-t-il vraiment aucun moyen d’empêcher cette nuisance sans frontières?

La démocratie puisera-t-elle dans son tréfonds les ressources qui permettraient de ne pas endurer plus longtemps les nuisances d’un président immoral et inhumain? Une voie démocratique pourrait-elle écarter l’agresseur de la démocratie, comme un lucide Comité l’a évincé du prix Nobel? Ce casse-tête renvoie chaque citoyen à une énigme personnelle: comment, au quotidien, échapper à cette influence délétère, faire de la résistance et se montrer modeste propagandiste en faveur du Bien et de l’humanité?

François-Xavier Druet, docteur en Philosophie et Lettres

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