Un peu moins de la moitié des foyers belges ont aujourd’hui accès à la fibre optique. Un taux qui place la Belgique en bas du classement européen, malgré l’objectif fixé par la Commission européenne d’un réseau gigabit pour tous d’ici 2030. Si le pays s’en approche via d’autres technologies, il reste en retard sur la fibre.
D’ici 2030, la Commission européenne veut garantir à chaque Européen un accès à l’internet gigabit (un gigabit par seconde), et une couverture 5G dans toutes les zones habitées. Ces objectifs sont inscrits dans le programme Digital Decade, et doivent permettre à l’Union européenne de combler la fracture numérique et de renforcer sa souveraineté technologique. En Belgique, si les vitesses gigabit sont déjà accessibles pour une large part de la population via les réseaux câblés, seuls 40 % des foyers sont actuellement raccordables à la fibre optique proposée par Proximus. Un chiffre bien en deçà de la moyenne européenne de 75%.
Historiquement, les opérateurs Belgacom (devenu Proximus) ainsi que Telenet sont les seuls à avoir déployé la fibre en Belgique. Les infrastructures utilisées en Belgique ont été pendant longtemps suffisantes, avec des câbles en cuivre et coaxiaux. «La technologie VDSL a été développée un peu partout, offrant aujourd’hui des vitesses allant jusqu’à 80-100 mégabits par seconde. Elle a permis pendant des années de remplir tous les besoins du haut débit sans qu’on ne doive passer à la fibre. Ce n’était pas le cas de la France, par exemple, qui, en 2013, a décidé de déployer la fibre parce que c’était un pays beaucoup plus étendu avec des zones moins habitées. Il n’était pas possible d’améliorer l’ADSL en VDSL sans installer des unités de rue beaucoup plus proches. La France s’est donc tournée rapidement vers la fibre, bloquée par les limites de son infrastructure», explique Charles Cuvelliez, docteur de l’Ecole polytechnique de l’Université libre de Bruxelles (ULB), spécialisé en télécommunications et en cybersécurité.
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Le manque de concurrence des opérateurs de télécommunication en Belgique joue également un rôle important dans le ralentissement du déploiement de la fibre. Selon Charles Cuvelliez, «le principal concurrent de Belgacom, c’était Telenet, qui avec une technologie similaire, DOCSIS, permettait aussi d’atteindre jusqu’à un gigabit par seconde. C’est plus que la VDSL, mais à cette époque nous n’avions pas besoin d’autant, donc leurs technologies respectives correspondaient bien avec la demande des clients, créant une sorte d’équilibre.»
La Belgique, contrairement à des pays comme la France, n’a pas instauré de plan national de déploiement de la fibre. L’ARCEP, le régulateur des télécoms en France, a déjà lourdement sanctionné des opérateurs qui ne répondaient pas aux impératifs requis dans le déploiement de la fibre. Son homologue belge, l’IBPT, adopte une approche plus souple. «L’IBPT suit les évolutions en matière de déploiement de la fibre optique, mais il ne peut pas contraindre les opérateurs à déployer l’une ou l’autre technologie, ceux-ci restent libres de mener leur propre stratégie en termes d’investissements», indique Jimmy Smedts, porte-parole de l’institut.
Fibre optique: faut-il accélérer la cadence en Belgique?
Même si la Belgique est la dernière du classement, ses infrastructures ne sont pas pour autant obsolètes. «Les objectifs européens prévoient que chaque ménage doit avoir accès d’ici 2030 à une connectivité d’un gigabit par seconde. En raison de la couverture étendue des réseaux coaxiaux en Belgique, notre pays obtient un très bon score pour ce critère, et dépasse largement la moyenne européenne. Aucun plan de rattrapage n’est donc nécessaire pour atteindre le niveau de couverture de nos voisins en termes de connectivité ultrarapide, même si cette connectivité n’est pas exclusivement atteinte à l’aide de la fibre optique. Toutefois, il est vrai que certains opérateurs, pour des raisons économiques, sont contraints de remplacer leur réseau existant par de la fibre optique, car il ne correspond plus (en grande partie) aux besoins actuels (et surtout futurs) et plus aucune mise à niveau n’est possible», précise l’IBPT.
En Belgique, le nombre d’abonnés à la fibre a fortement progressé, avec une hausse de 46,6% entre septembre 2023 et septembre 2024, selon le FTTH Council Europe. Ce taux de croissance place le pays en deuxième position en Europe en termes d’augmentation relative du nombre d’abonnés.
Pour accompagner cette dynamique, les opérateurs cherchent à mutualiser les efforts. Proximus, principal acteur du marché, mise sur des accords de coopération pour accélérer le déploiement. «En Flandre, nous avons signé un protocole d’accord avec Wyre/Telenet afin d’accélérer le déploiement de la fibre et améliorer l’accès aux réseaux gigabit. Cette collaboration concernerait environ 2,7 millions de foyers situés dans des zones à densité de population moyenne à faible. En Wallonie, nous sommes également ouverts à une collaboration, et les discussions avec Orange progressent bien», explique Haroun Fenaux, porte-parole de Proximus.
Nassim Kashkooli