Yves Klein : la déferlante bleue

Au tournant des années 1950, Yves Klein se lance dans l’aventure monochrome. Comprenez :  » une ouvre d’une seule et unique couleur étalée uniforamément sur la toile « . Provocation ? Supercherie ? Génial ?

Foudroyé en pleine ascension, Yves Klein (1928-1962) est reconnu comme l’un des plus importants protagonistes de l’après-guerre avant-gardiste. Fruits d’une réflexion approfondie mêlant influences bouddhistes et philosophie zen, ses monochromes défendent la dimension spirituelle de la couleur. Klein découvre, en 1956, la plus parfaite expression du bleu, une couleur d’une profondeur mystérieuse qu’il fait breveter dans la lancée, et en toute modestie (!), sous le label  » IKB  » (International Klein Blue).  » Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes… tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a de plus abstrait dans la nature tangible et visible. « 

Le concept déconcerte. Exposés pour la première fois à Milan en 1957, les onze monochromes bleus – bien qu’identiques puisque peints au rouleau avec la même couleur IKB – se vendent à des prix différents ! Klein s’en explique. A ses yeux, chaque £uvre est imprégnée, en plus de sa réalité matérielle, d’une qualité immatérielle qui la distingue des autres. Le comble du snobisme reviendrait-il à dépenser sans compter pour acheter le plus cher des monochromes exposés ? Avis aux collectionneurs zélés…

Entretenant un rapport très particulier au corps, Yves Klein va progressivement réaliser ses monochromes au moyen de  » pinceaux vivants « . Badigeonnés de bleu, des modèles féminins apposent leur corps nu sur le papier jusqu’à ce que les traces de la chair recouvrent absolument toute la surface. Seul bémol, la nature même du monochrome ne permet pas d’apprécier la participation humaine puisque l’£uvre est uniformément colorée. Du coup, Klein met au point une technique laissant apparaître l’empreinte des cuisses, des seins et du ventre. Ces £uvres sont rassemblées sous le générique Anthropométries (mesures du corps). Une variante plus dynamique consistait à faire ramper un modèle sur le support. Ainsi en mouvement, le corps laisse des empreintes plus désordonnées qui renvoient de manière précise à la fragilité et à la souffrance de la chair.

Enfin en retrait, l’artiste ne se salit plus les mains. Sa participation à la création de l’£uvre se résume à surveiller la progression du travail en guidant le modèle dans ses va-et-vient par des injonctions du type :  » Ecrasez votre sein, mademoiselle… plus sur la gauche ! « 

Chefs-d’£uvre ?, Centre Pompidou-Metz, Parvis des Droits de l’Homme 1, F-57020 Metz. Jusqu’au 25 octobre 2010. www.centrepompidou-metz.fr

La semaine prochaine

> Marcel Broodthaers aux Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles.

GWENNAëLLE GRIBAUMONT

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