Si les groupes de luxe et la fast fashion soutiennent les jeunes stylistes, ce n’est pas seulement par amour de la création, cela relève aussi d’une stratégie commerciale et médiatique.
Si Ximon Lee, 24 ans, diplômé de l’école de mode new-yorkaise Parsons, a le sourire, c’est parce qu’il a remporté le H&M Design Award 2015. Il vient d’empocher 50 000 euros, mais pas seulement. Ce qui lui vaut de présenter sa collection à Stockholm, durant la Fashion Week, de développer certaines de ses pièces choisies par le géant suédois et de les voir commercialisées en ligne et dans les boutiques du label – ce n’est pas rien, le quatrième lauréat de ce concours international peut être content. Car en guise de coup de pouce financier et de visibilité médiatique, on a vu pire. » Je ne peux tout simplement pas imaginer comment j’aurais pu lancer ma propre marque sans cette récompense « , commenta Ximon Lee, ainsi adoubé par un jury international qui déclara urbi et orbi que ce designer » incroyablement accompli a tout pour lui « , que » sa recherche est d’une grande beauté « , que » sa collection très urbaine, inspirée par l’art, est en même temps accessible « , bref, qu’il est » prometteur « .
Retour sur investissement
H&M – qui depuis a annoncé le nom de la gagnante 2016, Hannah Jinkins, sortie du Royal College of Art de Londres – n’est pas le seul à jouer les mécènes. Depuis quelques temps, les groupes de luxe s’investissent sérieusement dans des compétitions prisées par les aspirants créateurs et dotées de prix conséquents. LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) a ainsi inauguré la sienne il y a à peine un an, Chanel a soutenu en grande pompe la trentième édition du Festival international de mode et de photographie à Hyères et offert également son parrainage au lauréat du Grand prix de l’Andam (Association nationale pour le développement des arts de la mode). » Soutenir les créateurs de demain, cela fait partie de notre mission « , répète-t-on dans la maison fondée par Gabrielle Chanel. Laquelle s’attèle ainsi à aider les débutants à mettre un pied à l’étrier, mais dans un rapport win-win. Car ce mécénat est aussi une stratégie industrielle, commerciale et médiatique qui consiste à repérer les nouveaux talents, à rendre les griffes attractives d’un point de vue créatif en les accueillant dans leur giron, à créer le buzz et à fournir des contenus aux différents canaux de communication, réseaux sociaux en tête. On sait que la mode ne prétend jamais regarder en arrière, qu’elle est intrinsèquement tournée vers l’avenir et que la nouveauté est son credo. Logique dès lors qu’elle s’intéresse à la génération montante, s’assurant ainsi une écurie de jeunes pousses éternellement reconnaissantes.
Anne-Françoise Moyson