On aurait tort de croire le dos muet. Pour preuve, cette mémorable « haie du déshonneur » offerte à la Première ministre Sophie Wilmès par le personnel de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles. C’était le 17 mai dernier, lors d’une visite officielle. Même le regard le plus noir aurait échoué à condenser une telle colère. Nourrie aux selfies et à la reconnaissance faciale, notre époque a peut-être appris avec cet épisode quelque chose que les artistes savent depuis longtemps: même loin du visage, l’anatomie dorsale sait se faire indice ou subversion. C’est sur cette trame double, dense et palpitante, que le Delta signe un parcours pluridisciplinaire, sur deux niveaux, que l’on ne saurait trop recommander.
Le tracé en question – qui convoque des chefs-d’oeuvre absolus, façon Friedrich ou Van Eyck, par un système de codes QR – se distingue par sa grande pertinence. Qu’il s’agisse des remarquables photographies de la Danoise Trine Søndergaard, semblant flotter dans la même atmosphère que les tableaux de Vilhelm Hammershøi, ou de la texture tremblée si particulière des images du Belge Dirk Braeckman, le beau est au rendez-vous – il faut également mentionner Michaël Borremans ou Charlotte Beaudry. Mais, et c’est là tout son intérêt, Vu.e de dos affiche également un profil plus politique. Ainsi de Live-Taped Video Corridor, dispositif aussi étroit qu’anxiogène imaginé par Bruce Nauman en 1970 pour unir de manière unique claustrophobie et surveillance généralisée. Ou encore, Sweet Dreams (2016), cette vidéo de Carlos Aires donnant à voir deux policiers antiémeutes, une représentation punissable par la loi en Espagne, dansant le tango dans le cadre précieux du musée Cerralbo.
Au Delta, à Namur, jusqu’au 21 février.