Olivier Bastin, premier bouwmeester de Bruxelles, est amené à donner son avis éclairé sur les projets publics bruxellois.
D epuis 2009, La Région de Bruxelles-Capitale s’est dotée d’un » bouwmeester « , que l’on traduit peut-être imparfaitement par » maître architecte « . Au terme d’un appel à candidatures, Olivier Bastin (L’Escaut Architectures) a été désigné pour inaugurer le poste.
Le Vif/L’Express : En quoi consiste exactement votre mission ?
Olivier Bastin : La mission principale qui m’a été attribuée est la garantie de la qualité architecturale et paysagère des projets publics régionaux. Mon rôle est celui d’un conseiller neutre auprès des autorités. J’émets un avis objectif et consultatif (sans force légale) sur la qualité des projets et ce, non pas en regard de règles administratives, urbanistiques, etc., mais dans le sens d’une vision globale des enjeux de ces derniers.
Mais qu’est-ce que, alors, la qualité architecturale selon vous ?
D’une part, elle dépend ou est corrélative d’un débat public, que ce soit à petite ou à grande échelle. D’autre part, celle-ci n’est envisageable qu’à partir d’un bon processus de travail. C’est pourquoi durant ces deux premières années de mandat, j’ai porté une attention particulière à la manière dont les projets publics sont mis sur pied. Trois critères sont à prendre en compte : le programme, la procédure légale et la diversité des comités de décision. J’insiste sur ce dernier point, car il est essentiel à mon sens d’élargir le débat, en invitant des experts à la table, mais aussi des associations et des représentants des habitants, à l’image de ce qui se fait dans les contrats de quartier.
Pour quelles autorités travaillez-vous ?
Je préfère le terme » partenaires « . Nous avons le soutien de cinq cabinets. Ceux des secrétaires d’Etat au Logement, à l’Urbanisme et à la Mobilité, ainsi que ceux du ministre de l’Environnement et du ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale. Mais notre champ d’action s’est élargi. Des communes nous ont contactés afin de bénéficier de notre expertise, dont Bruxelles-Ville, Anderlecht, Molenbeek, Ixelles, Uccle… Ainsi que des structures fédérales, comme la Régie des bâtiments. De même, des privés ont également le droit de s’adresser à nous. Actuellement, sur la septantaine de projets sur laquelle nous travaillons, près de la moitié dépassent notre compétence initiale.
Sur quels types de projets vous penchez-vous ?
Il s’agit de programmes d’équipement, de logement, d’aménagement de l’espace public… Des projets d’échelles très différentes, depuis les 600 mètres carrés de la Brigade forestière, en beau milieu de la forêt de Soignes, jusqu’aux quelque 250 000 mètres carrés de Neo, le plan de renouvellement du plateau du Heysel, qui allie commerces, bureaux, loisirs, logements et espaces verts. L’un et l’autre sont tout aussi importants à mes yeux. Car, si le premier semble modeste, il met en jeu la notion de classement, qui, comme la loi, doit toujours être interprétée. La forêt de Soignes est classée et donc non constructible. Or l’édifice qui y sera bâti aura pour fonction l’entretien du patrimoine forestier.
Quels sont les défis urbanistiques de Bruxelles ?
La nécessité d’une vision urbanistique globale est sans conteste un des défis majeurs de Bruxelles. Laquelle a opté, depuis la création de la Région bruxelloise en 1989, pour une stratégie » bottom up » de rénovation de quartier, en s’appuyant sur ce qui existe dans le territoire. Sa force est d’être cohérente par rapport à son environnement, sa faiblesse d’être un travail d’acupuncture. Il faut que l’ensemble de ces points soient bien placés pour qu’ils soignent le corps malade. Or, actuellement, on peut identifier plusieurs symptômes : le boom démographique, la pénurie de logements, la surpopulation des écoles, les jonctions ferroviaires, la mauvaise qualité des partenariats public-privé…
Est-ce votre rôle de travailler sur une réponse globale à tous ces problèmes ?
Non. Il faut bien comprendre que nous ne faisons pas de planification urbanistique. Nous travaillons projet par projet. La Région a d’autres outils pour cela, comme l’Agence de développement territorial (ADT), qui participe entre autres à la révision du plan régional de développement durable, qui date de 2002. On l’attend pour juin 2012, afin de déterminer le nouveau visage de Bruxelles à l’horizon 2020 et 2040. Avec ceci que la mission de coordination de l’ADT reste essentiellement liée aux pôles de développement prioritaire international. Tels que le quartier européen, Delta, Schaerbeek-Formation… Actuellement, il n’existe pas vraiment de vision urbanistique globale pour Bruxelles, malgré une série d’initiatives officielles ou marginales. Pour y remédier, on envisage la création d’une Maison de l’urbanisme, où l’on associerait les équipes du bouwmeester et de l’ADT.
Le fait que votre avis n’ait pas de force légale ne rend-il pas votre mission vaine ?
Si notre avis n’est pas contraignant, il a tout de même été exprimé et argumenté. Celui qui choisit de ne pas en tenir compte balaie non seulement notre expertise mais aussi la reconnaissance que nous avons acquise auprès des institutions et des professionnels. Il a intérêt à avoir de quoi justifier son refus.
FRÉDÉRIQUE MASQUELIER