Votre banque, vous l’aimez un peu, beaucoup ou pas du tout ?

Première en Belgique : les clients de Belfius pourront noter en direct la qualité du service en agence. Une part de la rémunération des employés sera liée au taux de satisfaction de la clientèle. Révolution ou coup de marketing ?

« Etes-vous satisfait de votre dernière visite chez nous ?  » Les appels téléphoniques et autres e-mails vous demandant d’évaluer la prestation d’une entreprise sont de plus en plus fréquents. Désormais, certaines enseignes grand public démarchent systématiquement leurs prospects pour mesurer leur satisfaction. A chaque fois, c’est l’occasion de tenter de rattraper le mécontent ou de conforter dans ses choix le satisfait (avec le risque d’irriter le client qui s’estime dérangé). Certaines entreprises vont plus loin et donnent un prolongement salarial au taux de satisfaction de la clientèle. Chez Carglass par exemple, ce taux détermine l’essentiel du bonus salarial annuel attribué au personnel.

La tendance se développe aussi du côté des banques et, surprise, c’est l’enseigne publique Belfius qui entend jouer les premiers rôles sur ce terrain. A partir de début 2015, les clients qui passeront par leur agence (et auront été en contact, non pas avec un automate mais avec un agent) seront aussitôt invités, via leur smartphone, à évaluer la qualité du service reçu. Au choix : très satisfait, satisfait, insatisfait, très insatisfait. La réponse  » neutre  » n’a pas été prévue, les avis seront donc nécessairement tranchés, positifs ou négatifs. Une première en Belgique : la technologie utilisée ( » iBeacon « ), mêlant microlocalisation et interactivité, est déjà à l’oeuvre dans une galerie commerciale à Anvers ou sur un site touristique du côté de Courtrai, mais pas encore dans une banque.

Ambitieux

Ainsi en a voulu Marc Raisière (51 ans), à la tête de la banque depuis janvier 2014, entre autres mesures visant à  » remettre le client au centre de la banque « .  » Le taux de satisfaction sera désormais un indicateur-clé pour l’entreprise, explique-t-il au Vif/L’Express. Avant, c’était le marché qui était au centre de cette maison (NDLR : allusion à la période Dexia, dont Belfius est la branche belge rachetée par l’Etat belge en 2012). Je veux à présent que ce soit le client.  » Très branché marketing, le banquier a confié au bureau GfK le soin de mesurer le taux de satisfaction de la clientèle. Une première enquête a démarré en juillet dernier auprès de 400 000 clients actifs. En fin d’année, la banque connaîtra le niveau de satisfaction actuel. Marc Raisière n’en a pas moins d’ores et déjà décidé que la banque devait atteindre un taux de satisfaction de 95 % d’ici à la fin 2016 (avec un palier intermédiaire pour 2015, encore à fixer). Comment ce chiffre ambitieux a-t-il été fixé ? Faute de données, c’est l’intuition qui a joué.  » En assurance, le taux de satisfaction tourne en général autour de 82-83 %, raisonne le numéro un de Belfius, qui est par ailleurs un ancien d’Axa. J’estime qu’en matière bancaire, où les contacts avec la clientèle sont plus fréquents, il est légitime de viser plus.  »

Tout le personnel

Pour donner du poids à sa nouvelle approche et l’imposer à ses troupes, le CEO veut lui donner une valeur sonnante et trébuchante. A partir de 2015, le taux de satisfaction client deviendra un des critères déterminant la rémunération variable des 2 500 membres du personnel qui en perçoivent une, au même titre que le bénéfice opérationnel ou d’autres critères. Le même taux figurera également en bonne place dans le calcul de l' » avantage non récurrent lié aux résultats « , ce système de bonus collectif mis en place en 2008 pour les employeurs qui le souhaitent. Chez Belfius, il devrait être versé pour la première fois en 2016 à tout le personnel de la banque (soit quelque 5 000 personnes), en fonction des résultats obtenus fin 2015. La mesure concerne peu les agences, dans la mesure où 85 % d’entre elles sont tenues par des indépendants.

Un système comparable a déjà été mis en place en 2013 chez Belfius Insurance, instauré par le même Marc Raisière lorsqu’il pilotait la division. Côté banque, les modalités du mécanisme doivent encore être négociées avec les partenaires sociaux mais le patron ne doute pas de son lancement dès l’an prochain.  » Il n’y a que des avantages à instaurer ce système : c’est un objectif compréhensible et tangible pour tous les collaborateurs, et une source d’implication, de satisfaction. Cela oblige chacun dans sa fonction à réfléchir sur son apport à la satisfaction du client. Je parle donc bien d’un changement complet de culture « , assure le banquier. Que ce soit BNP Paribas Fortis, ING ou encore KBC, d’autres banques belges tiennent déjà compte, d’une manière ou d’une autre, de la satisfaction client dans le calcul de la rémunération variable de leurs collaborateurs commerciaux. Mais le patron de Belfius veut aller plus loin en systématisant le système.

 » Toujours plus  »

Bien sûr, l’objectif est aussi commercial : le but est de  » mieux positionner  » l’enseigne sur le marché et, surtout, d’augmenter les ventes.  » Plus un client est satisfait, plus il est loyal et plus il achète de produits, considère Marc Raisière. En moyenne, nos clients ont 2,3 produits, notre objectif est de passer à 5.  » Une manière aussi de mettre la pression sur le personnel ?  » Cette entreprise, qui a été troublée pour ne pas dire traumatisée par la crise, a envie de retrouver de la fierté et un sens à ce qu’elle fait. Instaurer ce système est selon moi le meilleur moyen d’y parvenir.  » Ce n’est pas exactement l’avis de Christiane Grollet, coordinatrice SETCa chez Belfius.  » Ce projet doit encore être précisé mais, à ce stade, il nous pose beaucoup de questions. Quid par exemple de toutes les personnes qui n’ont aucun contact avec les clients et donc pas d’impact sur leur satisfaction ? En revanche, pour tous ceux qui sont en contact avec la clientèle, cela va encore rajouter de la pression, alors que leur situation n’est déjà pas facile et qu’ils font déjà leur maximum.  »

Par Paul Gérard

Pour donner du poids à sa nouvelle approche et l’imposer à ses troupes, le CEO veut lui donner une valeur sonnante et trébuchante

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