Les attentats de Paris ont transformé le regard porté sur l’ancienne cité lainière. La voilà considérée comme le Molenbeek liégeois. Et comme une illustration du sous-régionalisme wallon.
Le 15 janvier dernier, les unités spéciales de la police fédérale investissaient un appartement où se cachaient, sous de fausses identités, deux returnees syriens. Sofiane Amghar et Khalid Ben Larbi ont riposté à l’arme lourde et péri sous l’assaut. Un comparse, Marouane El Bali, s’est rendu aux policiers. Il a été inculpé pour détention d’arme et rébellion armée. Depuis six mois, la Sûreté de l’Etat était sur les dents à cause de » signaux faibles » faisant état d’un projet d’attentat en Belgique sous la direction d’un foreign fighter monté en grade : Abdelhamid Abaaoud. Venant juste après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Paris, cette intervention a eu un écho maximal, pointant la ville de Verviers et sa fracture sociale. Or, de » cellule de Verviers « , celle-ci n’avait que le nom puisque tous ses protagonistes venaient de Molenbeek.
Pourtant, des effets de ressemblance ont joué. Verviers est une ancienne ville industrielle, moitié ouvrière dans la vallée de la Vesdre, moitié bourgeoise (sur les hauteurs), avec une centaine de nationalités différentes. Le différentiel entre le niveau de revenu de ses habitants et celui des communes vertes avoisinantes est le plus élevé de Wallonie. Tout comme Molenbeek, l’ancienne cité lainière a été dirigée, en coalition, par un prof d’unif très proche, électoralement, de divers groupes immigrés. Pourtant, la coalition CDH-MR mise en place en 2012 par les états-majors politiques, en miroir à celle de la grande commune bruxelloise de l’ouest, n’a pas résisté aux tensions entre un échevin extraverti, Freddy Breuwer (MR), et son contraire, le bourgmestre Marc Elsen (CDH). En présentant ses » excuses « , en août, pour la communautarisation des dernières élections communales par son ancien chef de file, Claude Desama, Jean-François Istasse (PS), redevenu échevin, avait habilement préparé le terrain pour un renversement d’alliance.
A l’occasion d’une énième prise de bec, le PS est apparu comme une alternative au MR, vierge d’un passé douteux. Exit pour Freddy Breuwer et Marc Elsen, vivat pour la nouvelle bourgmestre, Muriel Targnion (PS), tout sucre et miel pour les centristes et, décidément, une autre image. Une nouvelle ère ? L’épisode précédent a fait ressortir douloureusement le sous-localisme wallon. Alors que Verviers était manifestement en grand danger, ces Messieurs de Namur (coalition PS-CDH) ne lui ont laissé que les miettes des fonds Feder (européens) ou de la politique dite des grandes villes. Le Grand Théâtre de Verviers où a battu le coeur de la ville musicienne ne sera pas rénové avant 2027. Il tombe en ruine. La Province de Liège a été un chouia plus solidaire. La morale de l’histoire : sans relais partisan ou liés aux territoires, une collectivité peut couler dans l’indifférence (presque) générale.
Marie-Cécile Royen