Dreamworks nous offre un nouveau régal d’animation » 3 D » avec Madagascar, un délire animalier burlesque aux gags et au ton parfaitement réjouissants !
(1) Jeffrey Katzenberg, associé de Steven Spielberg et David Geffen dans Dreamworks et responsable de l’animation au studio comme il le fut (remarquablement) chez Disney.
(2) Un plan hilarant les voit, une fois parvenus sur place, contempler l’immensité neigeuse et glacée d’un air dubitatif avant qu’un des quatre opère l’inévitable constat : » C’est nul ici ! »
Alex le lion, Marty le zèbre, Melman la girafe et Gloria l’hippopotame font les beaux jours du petit jardin zoologique de Central Park, à New York. Choyés par le personnel, applaudis par un public de fans, ils coulent à Manhattan des jours heureux, insouciants, quoique chargés d’une routine invariable. Leurs collègues les pingouins n’ayant, eux, de cesse que de s’évader, nos amis vont néanmoins s’interroger sur la perspective d’une échappée belle vers la vie sauvage. Marty veut y croire, mais ses velléités de liberté n’obtiennent qu’un écho très moyen chez une Gloria bien raisonnable, un Melman hypocondriaque et, surtout, un Alex qui jouit de son statut de star du zoo et qui, une fois quitté celui-ci, se voit très vite regretter les steaks bien juteux qu’il déguste chaque jour…
Il faudra un concours de circonstances très particulier û et que nous nous garderons bien de dévoiler ici ! û pour que nos quatre lascars se retrouvent hors de leur enclos, dans les rues de la ville, avant d’entreprendre malgré eux un bien plus long et hasardeux voyage. Lequel fait l’objet du nouveau film d’animation produit par Dreamworks, un Madagascar en tous points réussi, où l’humour se débride jusqu’au franc burlesque et dont le style visuel renoue agréablement avec la stylisation des cartoons des années 1960.
Si l’animation en images de synthèse û dite en raccourci » 3D » par opposition au dessin animé traditionnel en deux dimensions û s’est tellement imposée ces dernières années, c’est en bonne partie parce que des compagnies comme Pixar et Dreamworks y ont fait briller les meilleurs talents créatifs. La première citée a produit la série des Toy Story, Monstres et Cie, Le Monde de Nemo et Les Indestructibles, la seconde produisant notamment û tout en faisant aussi des dessins animés traditionnels û Antz et les deux épisodes de Shrek.
Une certaine » touche »
On retrouve dans Madagascar, coréalisé par Eric Darnell et Tom McGrath, la » touche » Dreamworks en matière d’animation comique : une manière de conjuguer, par exemple, l’humour le plus accessible aux jeunes spectateurs tout en offrant aux (présumés) adultes des gags et des références pouvant accrocher leur propre intérêt, une liberté de ton, aussi û paradoxalement pour une grosse société hollywoodienne û et une tendance aimablement anarchisante qui affiche de la méfiance à l’égard des pouvoirs et dynamite joyeusement les conventions et le politiquement correct.
La nouvelle perle d’animation du studio de Glendale (un quartier de Los Angeles) est déjà un très grand succès aux Etats-Unis, et on ne voit pas ce qui l’empêcherait de connaître le même destin en Europe, notamment dans les pays francophones où le doublage par des comédiens bien choisis s’avère de première qualité.
Si José Garcia, qui prête sa voix au lion Alex, était retenu par d’autres obligations, ses complices Anthony Kavanagh (Marty le zèbre), Jean-Paul Rouve (Melman la girafe) et Marina Foïs (Gloria l’hippopotame) ont commenté pour nous cette petite aventure que représente la postsynchronisation d’un film d’animation. » Dessin animé û Dreamworks û Katzenberg(1) : je ne pouvais pas résister à une telle équation, rien que pour pouvoir frimer devant mes potes ! » sourit un Jean-Paul Rouve que ses prestations dans Podium, Un petit jeu sans conséquence et Je préfère qu’on reste amis ont achevé de situer parmi les tout meilleurs acteurs de composition français. » Moi, c’est le mot euro et le nombre placé devant qui ont étés décisifs ! » enchaîne l’humoriste canadien Anthony Kavanagh, qui n’en est plus à son coup d’essai en matière de doublage puisque » heureusement et malheureusement, chaque fois qu’il faut un comique noir francophone pour substituer sa voix à un comique noir américain, c’est moi qu’on appelle… » Kavanagh ayant ainsi déjà » fait » les personnages joués par Cuba Gooding, Jr dans La ferme se rebelle et û au Canada û Eddie Murphy dans Mulan.
Le volubile fantaisiste québécois nous en apprend de belles sur la transposition en français des dialogues originaux de Madagascar, entre autres, le fait que, » contrairement à ce qu’on pourrait penser, il a fallu faire nettement plus édulcoré dans la version française, certains mots ou expressions de la v.o. américaine étant jugés trop crus pour ici « . » On ne pouvait pas être grossier, il fallait dire par exemple ô fait flûter » au lieu de ô fait chier » « , révèle notamment Marina Foïs, complice de Jean-Paul Rouve au sein de la troupe de Robins des Bois et elle aussi quelque peu surprise par la plus grande liberté de ton laissée à Hollywood par rapport à la France. Une France où, explique Anthony Kavanagh, on a aussi jugé qu’il ne serait pas bienvenu de conserver » le côté juif new-yorkais très présent dans la version originale, avec cet humour ashkénaze difficile à transposer ici « . Dans un pays où l’antisémitisme, particulièrement chez certains jeunes, ne cesse de s’amplifier, il a peut-être également été jugé plus prudent de ne pas jouer franchement une carte culturelle un tantinet risquée, dont témoignent quelques gags et allusions malgré tout préservés…
Trois voix américaines de Madagascar (Ben Stiller, Chris Rock et Jade Pinkett Smith) étaient également présentes à Paris pour la » promo » du film, et avaient quelques commentaires juteux à joindre à la (bonne) cause. Jada Pinkett Smith, interprète de Gloria l’hippopotame, révélait notamment que la petite bande de pingouins, dont nombre de spectateurs feront leur élément préféré du récit, ne devait à l’origine pas faire partie du projet ! Ce quatuor burlesque, qui multiplie les tentatives d’évasion du zoo avant de s’emparer d’un bateau pour gagner l’Antarctique (2), » s’est imposé quand les réalisateurs ont séché un peu au moment de décider comment Alex, Marty, Melman et Gloria allaient tomber du cargo où on les a embarqués de force. Quelqu’un a dit : » Et si on mettait les pingouins à bord, et qu’ils prenaient le contrôle du navire ? » L’essai a été si concluant et les réactions aux projections intermédiaires si enthousiastes qu’ils ont ensuite ajouté plusieurs scènes avec ces volatiles ! » Une preuve supplémentaire des capacités à improviser chez Dreamworks, où » l’atmosphère complice et démocratique permet plus de créativité, de liberté, que partout ailleurs « , conclut Chris Rock, le drôle de zèbre d’une ménagerie qui donne bien du plaisir.
Louis Danvers