Vent d’air frais sur la forêt de Soignes

Après avoir fait peau neuve, la Chapelle musicale Reine Elisabeth poursuit sa politique d’accueil et de formation de jeunes musiciens de grand talent et lance un tout nouveau concept : MuCH Music. Un cycle de plus de 60 concerts publics, destinés à tous.

Une nouvelle page s’ouvre à la Chapelle musicale Reine Elisabeth. Un ton, beaucoup d’ambition, des stars d’aujourd’hui et de demain, le tout dans la salle de concert flambant neuve et dans un décor exceptionnel face à la forêt de Soignes.  » Beaucoup de gens ne connaissent pas la Chapelle et ne savent pas très bien ce qui s’y passe, note Bernard de Launoit, son président. Les concerts publics sont une façon de mieux nous faire connaître. On va avoir un tout nouveau public que l’on ne connaît pas et que l’on n’imagine même pas.  »

75 ans de succès

Inaugurée le 12 juillet 1939 à l’initiative de la reine Elisabeth, mais aussi d’Eugène Isaÿe, l’un des plus grands compositeurs et violonistes belges, et du mécène Paul de Launoit, la Chapelle musicale a pour objectif d’assurer une formation de haut niveau à de jeunes prodiges de la musique, triés sur le volet. Dès son ouverture, le superbe bâtiment Art déco, dessiné par l’architecte liégeois Yvan Renchon (beau-frère de Georges Simenon), élevé au coeur de la forêt de Soignes, accueille 12 élèves dans trois sections. Au fil des décennies, le rayonnement international n’a cessé de croître, et à l’entame des années 2000, ils étaient 60 jeunes à se perfectionner dans six sections : piano, violon, violoncelle, alto, musique de chambre et chant, mais dans des locaux de plus en plus étroits… Il devenait urgent d’agrandir l’espace. Après dix ans de travaux de grande ampleur, la superbe extension baptisée  » l’aile de Launoit « , dessinée par les architectes bruxellois Olivier Bastin et Sébastien Cruyt, a été inaugurée en janvier 2015. Avec, en prime, une magnifique salle de concert de plus de 200 places, baignée de lumière naturelle, s’engouffrant par d’énormes baies vitrées ouvertes sur la forêt de Soignes.

Les travaux achevés, la priorité est de profiter des avantages de la nouvelle salle avec une politique de concerts destinés au grand public.  » C’est un projet ambitieux, nous y pensons depuis plusieurs années, poursuit Bernard de Launoit. La transmission musicale est un savoir non codifié qui passe aussi par la scène. C’est bon pour nos jeunes et ils sont très demandeurs de se produire en public. L’objectif est de se rapprocher des institutions comme la Kronberg Academy près de Francfort ou encore le Curtis Institute à Philadelphie. Comme nous, elles forment des jeunes au talent exceptionnel et appliquent la philosophie learn by doing (apprentissage par la pratique). Cette interaction avec le public est très importante. Il faut donner aux jeunes l’opportunité de jouer pour qu’ils apprennent leur métier. C’est bon aussi pour le public. Nous ne sommes pas une tour d’ivoire. On doit venir nous voir à l’intérieur du « bocal ». Cela dit, nous n’avons aucun intérêt à concurrencer les grands diffuseurs, nous voulons apporter un complément dans un cadre plus intimiste et plus confiné.  »

Concerts pour tous

Envie de goûter à l’atmosphère chaleureuse de ce vaisseau ultramoderne amarré à son bâtiment historique ? Les concerts débuteront à 20 heures et, sauf deux ou trois exceptions, ils seront courts, d’une durée d’une heure ou d’une heure et quart maximum. Deux oeuvres seront jouées sans entracte. Le concept s’adresse autant aux jeunes qui aiment faire plusieurs choses dans une soirée qu’aux moins jeunes qui ont envie de rentrer tôt et cocooner chez eux. Le but est de toucher différents publics. Les prix moyens ont été calculés au plus juste, entre 10 et 15 euros, la volonté étant de remplir la salle. Autre atout : les plaisirs émotionnels de la musique pourront être associés aux plaisirs gourmands, car les jours de concert, on pourra dîner sur place. La Chapelle s’ouvre donc vers l’extérieur et se  » démocratise « . C’est une bonne nouvelle car pendant bien longtemps elle avait la réputation d’être élitiste, confidentielle et intimidante.  » La Chapelle n’est plus un lieu élitiste, je tiens beaucoup à cela, martèle Bernard de Launoit. Elle doit être un lieu accessible. Je déteste le terme « élitiste ». On forme certes des élites, mais on n’est pas élitiste ! Nous voulons privilégier la convivialité et les rencontres. Cela doit être un plaisir de venir chez nous.  »

Plus de musique !

Grâce à un rapport scène/salle exquis et grâce à une acoustique de rêve, la musique à la Chapelle va se déguster selon un nouveau concept global baptisé MuCH Music. En un mot, plus de musique mais aussi plus de plaisir et plus de convivialité. La philosophie des concerts emprunte deux axes et se veut, d’une part, une porte d’entrée sur le  » laboratoire « , d’autre part, une ouverture à d’autres ensembles. Pensé dans l’esprit de compagnonnage, l’axe  » laboratoire  » permettra d’assister dans des conditions optimales d’intimité aux récitals des jeunes solistes en résidence à la Chapelle. On ne résiste pas à l’envie de citer nos chouchous : le pianiste japonais Kaito Kobayashi qui, à 20 ans tout juste, a déjà tout d’un grand, la violoniste Elina Buksha, qui sait mettre le public dans sa poche, et le Quatuor Hermès, l’un des plus inventifs quatuors à cordes du moment.

Le second axe sera un rendez-vous avec des invités de marque, avec des propositions musicales transversales ou avec les musiques du monde. L’occasion d’entendre, notamment, l’Ensemble belge Kheops avec la délicieuse violoncelliste Marie Hallynck, ainsi que les virtuoses du grand Ensemble de musique de chambre de la Monnaie qui nous feront ressentir toutes les émotions de l’Octet en fa majeur de Schubert, ou encore la pianiste Plamena Mangova et le violoniste Augustin Dumay, deux stars réunies autour de Grieg, Beethoven et Brahms. De belles rencontres entre les générations en perspective !

 » Nous avons des projets dans des domaines de la musique acoustique, du jazz, des musiques du monde, conclut Bernard de Launoit. Notre volonté est de s’ouvrir vers d’autres disciplines et vers d’autres publics. Nous sommes pour une transversalité intelligente et dynamique. On est déjà sollicité par des artistes et on le sera de plus en plus. Le compositeur et le pianiste de jazz Casimir Liberski et le plasticien Jean-Luc Moerman nous ont proposé une résidence. Pourquoi pas ? La Chapelle ne sera pas un univers renfermé, il y aura de la place pour les arts plastiques, les conférences, la danse, la lecture, la poésie et la philosophie.  » A ce propos, on peut déjà signaler la présence à la Chapelle (le 19 avril 2016) de Michel Serres, en apothéose de la saison. Le célèbre philosophe français (et grand mélomane) récitera son texte écrit autour des Sept dernières paroles du Christ en croix de Joseph Haydn. L’oeuvre sera interprétée, notamment, par l’altiste Miguel Da Silva, maître en résidence à la Chapelle.

www.musicchapel.org

Par Barbara Witkowska

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