Le commerce liégeois compte parmi les plus performants de Wallonie. Une force qu’il tire notamment de l’intégration des différents pôles dont il est composé.
Du 19 au 21 novembre prochain, la croisette cannoise accueillera plus de 8 000 professionnels de l’immobilier commercial venus de par le monde participer au grand Marché international qui leur fait honneur, le Mapic. Dans leurs rangs, la délégation belge fera la part belle aux courtiers, développeurs de centres commerciaux, représentants d’enseignes, etc., mais aussi à une poignée d’autorités communales et autres organismes de gestion de centre-ville, ayant à coeur les intérêts liégeois parmi d’autres. Soit l’occasion pour Le Vif/L’Express de faire dès à présent le point sur la situation du commerce à Liège.
Situation que l’ensemble des acteurs interrogés qualifient de stable. Du moins sur le long terme. » Le commerce est fluctuant, nuance Pierre Grandjean, gestionnaire de l’asbl Liège gestion centre-ville. Certaines rues commerçantes connaissent, selon les années, et à l’image de la rue de la Cathédrale, par exemple, un véritable boom, puis un petit déclin, pour bénéficier ensuite d’un renouveau. C’est un processus cyclique. » Reste que, à Liège, le commerce se porte plutôt bien, comme l’atteste l’étude des flux piétons. Et ce, depuis quelques années déjà. » La crise est bien entendu passée par Liège, comme ailleurs, reconnaît Jonathan Delguste, partner et spécialiste du retail liégeois chez Cushman & Wakefield. Les consommateurs ont vu leur pouvoir d’achat baisser, tandis que les enseignes y regardent à deux fois avant d’implanter un nouveau point de vente quelque part. » Heureusement pour la Cité ardente, ses quelque 500 000 m² de surface commerciale nette (153 000 m2 dans le seul hyper-centre) figurent sur la liste des valeurs sûres. » Une enseigne déjà bien établie en Belgique considérera, à l’échelle de la Wallonie, Namur et Liège sur un pied d’égalité, précise son collègue, Nicolas Beaussillon, partner et chargé des centres commerciaux liégeois pour le courtier américain. Par contre, une enseigne qui cherche à ouvrir un premier magasin au sud du pays préférera Liège, pour la taille importante de son marché. »
Un atout qui lui vaut de se hisser en bonne place du classement des centres-villes les plus dynamiques de Wallonie établi par l’Association de management de centre-ville (AMCV). » Liège allie un taux de cellules commerciales vides de 14 % à une densité commerciale de plus de 80 % de sa capacité, pointe Pierre Grandjean. Namur présente de bons résultats également, de même que Waterloo et Louvain-la-Neuve. »
Shoppings et centre-ville se renforcent mutuellement
Avec ceci que Liège peut compter sur un parc immobilier plus… diversifié que celui de la capitale wallonne. » Namur est enserrée par une ceinture routière et n’est pas en mesure d’agrandir son offre commerciale outre celle-ci, note-t-il. Elle est aussi caractérisée par un bâti historique étroit, qui n’offre pas aux grandes chaînes la place nécessaire à leur implantation. » Les seules artères qui bénéficient de surfaces un rien plus grandes que celles du piétonnier sont les rues de Fer et de l’Ange, tellement courues qu’elles ne connaissent pas de vide locatif. » Raison pour laquelle les autorités communales travaillent main dans la main avec le promoteur CityMall pour y inscrire un nouveau centre commercial, dans le prolongement de la rue de Fer et du centre-ville « , souligne Nicolas Beaussillon.
A l’inverse, Liège peut se vanter d’être équipée comme il se doit en la matière. » La Cité ardente concentre deux pôles commerciaux majeurs, outre son centre-ville : le shopping de Belle-Ile et celui de la Médiacité, détaille-t-il. Tous se complètent, tant au niveau des possibilités qu’ils autorisent en termes de surface, qu’en ce qui concerne le spectre de leur offre commerciale. » Un équilibre qui n’a pas toujours été le leur. Si Belle-Ile (30 280 m²), créé en 1995, et le centre-ville se sont accommodés l’un de l’autre pendant longtemps, l’arrivée de la Médiacité (plus de 160 000 m²), fin 2009, a fait vaciller ce fragile statu quo. » Ils ont souffert de cette nouvelle concurrence dans un premier temps, mais se sont réorganisés en fonction depuis, poursuit Nicolas Beaussillon. Belle-Ile a pris le parti de cibler une clientèle plus bourgeoise et familiale, laissant la Médiacité s’emparer d’un public plus jeune et hype. » Quid du centre-ville ? » Il peut compter sur des qualités qui lui sont intrinsèques, à savoir sa multifonctionnalité et le nombre élargi de services qu’il offre en plus du volet commercial, pointe Pierre Grandjean. Mais aussi sur l’attractivité qu’il exerce sur certains types d’enseignes que l’on ne trouvera jamais ou très rarement dans un centre commercial : des enseignes plus haut de gamme, d’autres qui sont le fait de petits indépendants spécialisés, d’autres encore qui mettent l’artisanat à l’honneur. » Tandis qu’il ne se ferme pas à de plus petits pôles commerciaux créés de toutes pièces en son sein. » Le meilleur exemple d’intégration est celui des Galeries Saint-Lambert (NDLR : quelque 40 000 m²), qui ont fêté leur dixième anniversaire dernièrement, assure le gestionnaire de Liège gestion centre-ville. On y retrouve presque les trois quarts des enseignes présentes à la Médiacité alors que les Galeries n’en sont distantes que d’un kilomètre à vol d’oiseau. Cela permet de renforcer l’attractivité du centre-ville. » Tout en ne commettant pas d’infidélité à son passé, puisque l’ancêtre des Galeries Saint-Lambert n’est autre que le Grand Bazar (1885), l’un des dinosaures de la grande distribution liégeoise, en ce compris le Passage Lemonnier (1839, il a célébré ses 175 ans cette année).
Plus de place pour un nouveau mall
Autre point fort du centre-ville liégeois : son piétonnier, premier réseau de Wallonie, fort de ses trois kilomètres d’artères piétonnes et semi-piétonnes et amené à être étendu vers la rue de la Casquette. Mais aussi le Vinâve d’Ile, » la rue Neuve liégeoise « , glisse Jonathan Delguste, qui voit défiler environ 200 000 passants par an, se plaçant à la troisième place des artères commerciales les plus fréquentées de Belgique, derrière son homologue bruxelloise et le Meir anversois. Il faut dire que la zone de chalandise de Liège est vaste : 927 000 habitants, dont 514 000 en zone primaire et 413 000 autres en zone secondaire. Soit 12,1 milliards d’euros de revenus captifs potentiellement joignables en moins de 30 minutes en voiture. De quoi conférer au parc commercial liégeois une certaine valeur, qui s’échelonne autour de loyers annuels variant de 300 à 1 300 euros au mètre carré.
Qu’en est-il de l’avenir du commerce liégeois ? » Une chose est sûre, il n’y a plus de place pour un nouveau pôle commercial sur le territoire communal de Liège, met en garde Pierre Grandjean. Tout nouveau projet de shopping center risque de nuire aux pôles déjà présents et de se mettre lui-même en danger en créant une situation de suroffre. » En ce sens, l’asbl Liège gestion centre-ville rejoint, par la voix de son gestionnaire, celle des autorités communales namuroises, qui ont depuis toujours prôné une politique ferme d’interdiction des zonings commerciaux en périphérie afin de conserver un centre-ville dynamique.
Par Frédérique Masquelier