Coordinateur de la semaine de la mobilité, Inter-environnement BruxellesLa journée sans voiture a essentiellement un rôle pédagogique. Elle est destinée à modifier les mentalités. A abattre cette barrière psychologique qui empêche de simplement imaginer qu’il est possible d’avoir recours à d’autres modes de transport que la voiture. Ce changement des mentalités est indispensable. Sans lui, les décideurs ne parviendront jamais à faire accepter des politiques plus » lourdes « , comme les aménagements sécurisés, la multiplication des zones propres pour les transports en commun ou la limitation permanente de la circulation dans certaines zones. Qui aurait pensé, il y a dix ans, que l’on pourrait un jour restreindre en permanence le trafic dans le centre historique de Bruxelles, comme on s’y achemine petit à petit ?
Mais cette journée sans voiture n’a de sens que dans la durée. Sa particularité est d’agir en douceur. Année après année, elle modifie les attitudes (puis les comportements) à l’égard de la mobilité. Cette manière de faire vaut mieux que la méthode forte ou imposée, comme l’augmentation du prix des carburants. En effet, si les prix des combustibles retombent, les anciens comportements risquent d’être à nouveau adoptés.
Trop festive ? Mais c’est précisément cela qui l’a rendue rapidement populaire, dès sa première édition en 2002 (NDLR : la première année où toute la Région bruxelloise a été fermée au trafic automobile). Aujourd’hui, les gens réclament la journée sans voiture ! Elle est entrée dans les m£urs. Beaucoup de commerçants ont aujourd’hui compris qu’elle peut favoriser leur chiffre d’affaires. Après tout, elle n’est » que » l’événement phare d’une semaine tout entière, où une grande variété d’activités – moins ludiques – sont mises en £uvre avec les écoles, les comités de quartier, les associations, les autorités communales, etc. Si les villes françaises renoncent cette année à la journée sans voiture, c’est parce qu’il y a eu des problèmes d’organisation qui, précisément, les ont rendues moins populaires.
L’année dernière, plus de 80 % des Bruxellois interrogés par un bureau indépendant ont estimé que la journée sans voitures était une bonne ou une très bonne idée. Plus intéressant encore : 9 % ont estimé qu’elle agissait comme une incitation personnelle à prendre d’avantage les transports en commun. Ce chiffre est loin d’être négligeable mais, cette année, nous devrons affiner l’étude : combien, parmi eux, sont-ils des automobilistes ? Autrement dit : combien ont-ils décidé d’opérer un véritable transfert modal ?
Autre évolution intéressante : depuis 2001, le nombre d’utilisateurs du vélo ne cesse d’augmenter dans la ville. Il est très difficile d’imputer de telles améliorations à la journée sans voiture ou à d’autres facteurs, comme les aménagements de pistes cyclables ou la répression de la vitesse des véhicules.
A Inter-environnement, nous pensons qu’il faudrait multiplier cette journée pendant l’année. Mais en se limitant aux dimanches. Organiser une journée sans voitures en semaine, c’est foncer droit vers le mur. Les transports en commun, notamment la Stib, seraient incapables d’absorber la totalité du flux des Bruxellois et des navetteurs. Les trams, les bus, les rames de métro seraient en retard et bondés. Toute la popularité des journées sans voitures serait ruinée. Un tel scénario serait totalement improductif.
Par Philippe Mertens