A l’avenir, il sera possible de divorcer plus aisément et plus vite. La notion de faute sera remplacée par celle, plus neutre, de désunion irrémédiable. Mais les femmes risquent de payer un tribut plus lourd à cette nouvelle loi que les hommes
Enfin votée au sein de la commission de la justice de la Chambre, la réforme du divorce pourrait être adoptée avant les élections législatives de juin. Le nombre de divorces (30 844 en 2005) risque d’augmenter sensiblement l’an prochain, comme en 1995, année qui a suivi un assouplissement important de la loi sur le divorce. Partout en Europe ( lire également ci-contre), on souhaite accélérer et simplifier la procédure, limiter ses effets les plus négatifs en la dépouillant de toute notion judéo-chrétienne de faute, source de confrontation entre les époux et dont les enfants font les frais. Nouveauté, la réforme actuelle porte aussi un coup aux obligations du mariage, notamment pour ce qui est du secours mutuel entre les conjoints, qui enfermerait les femmes dans une trop grande dépendance à l’égard des hommes. Inventaire des bons et mauvais côtés d’une réforme.
Pas de grands changements pour la procédure par consentement mutuel (de 70 % à 75 % des divorces actuels). Aujourd’hui, il faut avoir au moins 20 ans et être marié depuis deux ans, au minimum, pour l’entamer ; deux restrictions qui tombent dans la prochaine législation.
Les autres procédures (le divorce pour faute, rebaptisé pour causes déterminées – adultère, coups et blessures, etc. -, et le divorce pour séparation de fait) sont abandonnées. Seule la désunion irrémédiable sera reconnue à l’avenir. Avec cette nouvelle formule, il ne sera plus nécessaire de se mettre d’accord sur toutes les conséquences de la désunion (garde des enfants, pension alimentaire, etc.) avant de reprendre sa liberté.
Premier cas de figure, le plus simple : les époux veulent tous les deux se désunir de façon irrémédiable. Le juge pourra alors prononcer immédiatement leur divorce s’ils vivent séparés depuis plus de six mois et s’ils en font la demande conjointe. Jusqu’à présent, une séparation de fait de deux ans au moins était nécessaire. La procédure pourra être plus courte encore si les futurs ex font une déclaration de désunion devant le tribunal, à deux reprises et à trois mois d’intervalle, comme pour le consentement mutuel.
Deuxième cas de figure : seul un conjoint veut divorcer. La désunion irrémédiable ne sera effective qu’après une séparation de fait d’ un an (au lieu de deux, actuellement). Mais, s’il est pressé, l’époux demandeur dispose désormais d’une autre possibilité : il peut introduire, devant le tribunal, une demande unilatérale de divorce et la répéter dans un délai de six mois ; le divorce sera alors automatiquement prononcé. Certains ont vu dans la rapidité qui caractérise cette dernière mesure une forme de répudiation, que notre culture rejette par ailleurs catégoriquement. Il ne faut pourtant pas oublier que les femmes sont les plus promptes à entamer une procédure et seraient, cette fois, plus nombreuses que les hommes à y avoir recours.
Pas de nouveauté quant aux créances alimentaires dues aux enfants. Mais il y a deux changements de taille en ce qui concerne la pension éventuellement octroyée à l’un des conjoints. La » bonne » nouvelle : chaque ex se trouvant dans le besoin pourra en principe solliciter son ancien partenaire, plus fortuné. Il ne devra plus, à cet effet, prouver que ce dernier est fautif. Désormais, le juge modulera le montant de la pension en fonction de critères strictement économiques. Mais le conjoint bénéficiaire devra être disposé à travailler et à réclamer les prestations sociales auxquelles il a droit. Enfin, aucune pension ne lui sera accordée s’il s’est rendu coupable de violences à l’égard de son ex.
La » mauvaise » nouvelle : il n’y aura plus de pension à vie pour le conjoint, sauf exception. En principe, elle sera limitée à la durée du mariage dissous et limitée, généralement, à douze ans ( voir ci-contre). Même si le juge conserve un pouvoir d’appréciation, prenant par exemple en compte l’âge du bénéficiaire.
Cela ne rassure pas une organisation comme Vie féminine, qui hurle à l’appauvrissement des femmes et mettra tout en £uvre pour que ce nouveau projet de loi soit évoqué par le Sénat, seule façon peut-être d’empêcher son vote avant la fin de la législature. Son argument : » Quand des mécanismes tels que les droits dérivés en sécurité sociale ou le quotient conjugal découragent fortement et ouvertement le travail professionnel des femmes, peut-on décemment réduire par la suite leur droit à une pension alimentaire ? » Le raisonnement n’est pas dénué de sens. Cette nouvelle législation, strictement égalitaire entre les sexes, est souhaitable en principe, mais, dans les faits, elle contribue à renforcer les inégalités qui se creusent au fil des années de mariage et des naissances ( lire aussi ci-contre). Or le pouvoir politique se montre moins empressé à combattre ces discriminations flagrantes.
Dorothée Klein