Une opposition en déliquescence

Au PS, les conseillers partent, se déchirent ou suivent Eliane Tillieux, la cheffe de file qui pratiquerait la  » technique de la terre brûlée « . Après le départ d’un tiers de ses élus, l’opposition est affaiblie, divisée,  » pas bonne « , dit-on.

Un beau score personnel de 8 246 voix. Une aura de ministre. Un nom et un visage connus. A Namur, le PS, c’est Eliane Tillieux. Un point, c’est tout. Autour d’elle, l’équipe est jeune, inexpérimentée et peu aidée, affirment ses anciens coéquipiers. Et des défections au sein du parti socialiste namurois, il y en a eu un paquet depuis son arrivée.  » Elle a supprimé les vieux crocodiles « , remarque cet humaniste, faisant référence aux anciens bourgmestres Bernard Anselme et Jean-Louis Close ou encore, à Jacquie Chenoy.  » Elle ne voulait pas d’eux sur la liste « , ajoute Pierre-Yves Dupuis, ancien numéro 2 socialiste devenu indépendant à la suite de désaccords.

Après lui, et après eux, l’ancienne députée Valérie Déom a quitté les rangs pour rejoindre la mutualité Solidaris. Ça, c’est la version officielle. En coulisses, il se dit qu’il existait une rivalité entre ces femmes d’une même génération. Il en serait de même pour l’ex-secrétaire d’Etat et échevin Frédéric Laloux, devenu directeur exécutif de Namur Europe Wallonie (NEW). Tous trois étaient des faiseurs de voix, compétents et rompus à l’exercice politique.

La cheffe de file et son  » lieutenant  »

Fin août, Christophe Capelle, suppléant de Valérie Déom en 2013, est parti soutenir les projets du bourgmestre Maxime Prévot. Le nom de Florence Collard est également cité. La fille de l’ancien échevin Pierrot Collard pourrait, elle aussi, changer de couleur. Pour devenir orange. Ou même bleue.  » Et le mercato ne fait que commencer ! « , avertit Françoise Kinet, conseillère communale MR exclue de la majorité. Car, si tous n’ont pas encore franchi le pas, nombreux sont ceux qui expriment leur ras-le-bol.  » Je vais me casser, j’en ai marre de Tillieux ! « , a entendu à plusieurs reprises Christophe Capelle.

Depuis trois ans, c’est l’hécatombe. La  » déliquescence « . Un  » profond malaise  » s’est installé au PS. Et la fautive ? C’est Eliane, s’en donnent à coeur joie ses ennemis politiques.  » C’est la technique de la terre brûlée !  » pointe Pierre-Yves Dupuis.  » Elle a choisi de tout miser sur elle-même. Mais le pouvoir qu’on impose s’effrite au fur et à mesure.  » Celle dont le management est vivement critiqué leur dicterait les décisions du groupe, mais aussi les domaines dans lesquels ils peuvent ou ne peuvent pas intervenir, informent les déserteurs.  » J’ai déjà entendu qu’on forçait des gens à faire des interpellations qu’ils n’ont pas envie de faire « , rapporte Patricia Grandchamps, échevine du Tourisme (Ecolo).  » Et il faut regarder la tête des uns et des autres quand quelqu’un intervient. Ça souffle, ça n’écoute pas, certains font autre chose ou Eliane Tillieux est carrément absente !  »

Avec le temps et les dissensions, des clans se sont formés face à la cheffe de file et Antoine Piret, son  » lieutenant  » comme l’appelle Maxime Prévot,  » Bourvil  » comme le surnomment d’autres socialistes.  » Certains veulent être très forts, très grands, très vite « , observe le nouvel humaniste Christophe Capelle.

 » C’est triste pour la démocratie  »

Résultat :  » Ils ne sont pas bons, ils sont faibles « , juge le président du CPAS, Philippe Defeyt.  » C’est peut-être plus confortable pour la majorité, mais c’est triste pour la démocratie. Ils mènent une opposition de pur principe. C’est dramatique. Et ils le savent.  » Dernières armes, les attaques ad hominem virulentes se multiplient, comme le voient Maxime Prévot et Anne Barzin. L’échevine déléguée aux compétences maïorales (MR) se dit choquée par les propos tenus par certains socialistes après le décès d’un sans-abri l’hiver dernier. Elle est aussi agacée par les interruptions intempestives des autres, et particulièrement du bourgmestre, par Eliane Tillieux.

Face à ces critiques, Eliane Tillieux déclare se remettre en question tout le temps. A propos des nombreux départs :  » Les partis se renouvellent au fil du temps, c’est logique. Avec ses anciens bourgmestres et échevins, notre groupe était fortement marqué par l’exercice du pouvoir. A un moment, tout cela s’essouffle.  » A propos des interventions de ses conseillers :  » Nous débattons en groupe tous ensemble et, au conseil communal, une personne gère le dossier et s’investit dans une ou plusieurs compétences.  » Et à propos des cafouillages au conseil :  » Notre vote est toujours unanime. Il n’y a jamais de voix discordantes.  » La cheffe de l’opposition garde la tête haute et remplit son rôle essentiel à la démocratie, assure-t-elle.  » Notre seule mission est de porter la voix des personnes qui nous ont élus. Sans nous, il n’y a pas de débat.  » Ce qu’on appelle la méthode Coué.

La rumeur : Eliane déménage !

C’est la rumeur folle de ces dernières semaines. Eliane Tillieux voudrait quitter Namur. Car, d’après cet observateur de la région namuroise, l’objectif d’Elio Di Rupo en la nommant au gouvernement wallon était de  » lui donner une aura de ministre pour qu’elle devienne bourgmestre « … Le hic, c’est que  » son horizon est bouché à Namur « , ajoute cette source.  » Une sortie honorable pour elle serait de quitter son poste wallon en 2018 pour prendre le maïorat d’Andenne et de laisser sa place à une autre femme ministre venue d’ailleurs pour le PS.  » Mais ces bruits qui courent ont été durement démentis par la principale intéressée. Et par le maïeur en place, Claude Eerdekens (PS), qui dénonce une  » manoeuvre politique cousue de fil blanc  » visant à discréditer la ministre.

L’autre rumeur la voit déménager à Sambreville. Eliane Tillieux aurait alors été troquée pour l’actuel bourgmestre sambrevillois Jean-Charles Luperto qui,  » il est vrai, a plus de carrure politique « , poursuit une source très attentive aux bruits qui circulent. Mais depuis l’inculpation de l’actuel bourgmestre sambrevillois pour outrage public aux bonnes moeurs, ce scénario aurait été abandonné. Sans oublier qu’un départ d’Eliane Tillieux décapiterait totalement l’opposition namuroise. Le parti socialiste perdrait alors Namur  » de manière totale et irréversible  » à un bourgmestre qui  » serait dans un fauteuil pour quatre législatures au moins « , analyse un élu.

Par Sophie Mignon

 » « Je vais me casser, j’en ai marre de Tillieux » a-t-on entendu à plusieurs reprises  »

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