La psychiatre Marie-France Hirigoyen démonte les mécanismes qui, selon elle, ont permis l’ascension, puis la chute, de Dominique Strauss-Kahn.
Les Français sont passés de la fascination à l’éc£urement à l’égard de l’ex-patron du FMI. Comment expliquer ce renversement spectaculaire ?
La relation qui s’est nouée entre DSK et ses concitoyens obéit à un schéma qui m’est familier dans ma pratique en cabinet. J’y retrouve toutes les étapes que l’on observe quand un couple se forme sur la base d’une manipulation affective. Je ne pose pas de diagnostic concernant DSK, que je n’ai jamais rencontré. Cependant, on a pu relever dans son comportement, notamment lors de son intervention au 20 Heures de TF 1, des caractéristiques propres aux manipulateurs, avec une très haute idée de soi, une absence d’empathie, une instrumentalisation de l’autre et le recours au mensonge.
Au début, c’est la lune de mielà
Ce type de relation débute toujours par une phase de séduction. Avec son aura de directeur du Fonds monétaire international, ses convictions de gauche, il apparaît comme l’homme de la situation pour diriger le pays en temps de crise. Et puis l’affaire du Sofitel éclate, révélant sa véritable personnalité. Les Français restent incrédules. Aussi dubitatifs que ces femmes victimes d’un conjoint manipulateur qui se disent : » Je n’ai pas pu me tromper sur lui à ce point ! » Ensuite, les éléments à charge s’accumulent. L’affaire Tristane Banon s’ajoute au reste. Les Français commencent à ouvrir les yeux, puis réalisent que l’homme les a bernés. Ils éprouvent de la colère, un sentiment puissant qui, dans un couple, provoque la rupture, salutaire pour la victime.
De la colère, d’accord. Mais l’éc£urement, d’où vient-il ?
Cette réaction tient à un autre trait probable de la personnalité de DSK, son addiction au sexe, soulignée par l’affaire du Carlton. Cette dépendance m’apparaît plutôt comme un défaut dans la cuirasse. Un pervers narcissique » abouti » se serait montré plus habile, gardant le contrôle sur ses pulsions et ne se serait pas fait prendre.
On ne nous y reprendra plus ?
Je ne serai pas si optimiste. Il reste des gens pour penser : dommage que DSK se soit fait rattraper par des affaires de m£urs, il aurait fait un bon président ! Le chanteur Jean-Louis Aubert l’a dit tel quel à un quotidien belge, parlant des talents de DSK : » Ça a été un vrai gâchis. «
Que dit, de notre époque, la chute de DSK ?
J’y vois un retour de balancier en faveur de limites morales plus nettes. Son ascension n’a été possible que parce que la société moderne a valorisé, à l’excès, les individus capables de se mettre en avant et de s’imposer, peu importe la méthode. Ceux qui savent tricher sans se faire prendre continuent à fasciner. Peut-être plus pour longtemps.
PROPOS RECUEILLIS PAR ESTELLE SAGET
» Une très haute idée de soi, une absence d’empathie, le recours au mensongeà «