A Tenneville, bâches et emballages agricoles sont lavés, hachés menus, puis transformés en granulés pour renaître sous la forme de sacs poubelles et de films plastiques. Jusqu’ici, ces déchets étaient recyclés en… Malaisie !
Pour accéder au site de Soreplastic, il faut quitter la N4 à la barrière de Champlon et s’enfoncer de quelques kilomètres dans la forêt ardennaise qui baigne dans une lourde brume malgré un soleil naissant. Puis apparaît le site de l’intercommunale Idelux/AIVE où une importante unité de cogénération produit de l’électricité et de la chaleur au départ de déchets verts (Le Vif/L’Express du 18 janvier 2010).
Un peu plus loin, des camions déversent leur chargement de bâches et de films d’enrubannage des « boules » que les éleveurs wallons stockent par dizaines de milliers pour nourrir leur bétail. Derrière le bâtiment tout neuf, un océan de bâches s’étend jusqu’à la lisière de la forêt. En vrac ou en ballots, les plastiques qui s’empilent sur plusieurs mètres de hauteur sont piqués de déchets divers : ferrailles, cailloux, terres, morceaux de bois… A la sortie de l’usine, pourtant, ce sont des granulés de couleur foncée, parfaitement calibrés et propres qui sont ensachés avant de partir vers des entreprises belges, françaises, hollandaises ou portugaises.
Vingt mille tonnes/an
A l’origine du projet se trouve un ingénieur civil quinquagénaire, Vincent Sciascia, qui travaille depuis près de trente ans dans les matières plastiques. Il a installé des chaînes de retraitement dans le monde entier, et notamment en Chine, dans le cadre d’un projet financé par les Nations unies et plus spécialement par l’Onudi, chargé du développement industriel. Cette opportunité lui a valu de devenir consultant pour l’organisation mondiale, et de réaliser pour elle des audits sur les cinq continents.
Pendant des années, Vincent Sciascia a également commercialisé vers la Malaisie les plastiques agricoles récoltés par Idelux et d’autres intercommunales. » Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette filière était moins onéreuse que de financer le retraitement en Belgique où certains opérateurs nous demandaient jusqu’à 200 euros la tonne pour « nous débarrasser » des déchets « , affirme-t-il aujourd’hui.
Puis sont venus des changements de législation en Malaisie et une évolution du marché qui ont conduit 4 partenaires à s’associer pour créer Soreplastic : Idelux et la SRIW (chacune 42,5 %), Vincent Sciascia (10 %) et le partenaire malaisien (5 %).
Aujourd’hui, après quelques semaines de fonctionnement, l’usine tourne 24 heures sur 24 à raison de 5 jours par semaine. » Mais nous allons bientôt passer à 7 jours sur 7 pour atteindre l’objectif de 20 000 tonnes traitées annuellement. «
Pour ce faire, les 5 000 tonnes récoltées en Wallonie ne suffisent pas et ce sont désormais des bâches et des films plastiques venus de France, d’Allemagne, d’Irlande et de Hollande qui font l’appoint.
Le process est alimenté en calories (pour le séchage) par un réseau de chaleur issu de la cogénération voisine d’Idelux, tandis que les eaux – venues elles aussi de la station d’épuration de l’intercommunale – sont apurées, réutilisées, puis recyclées avant d’être rejetées en rivière.
Un bel exemple de synergie.
FRANCIS GROFF