Envie de faire une bonne action en quittant ce monde ? De plus en plus de Belges décident de léguer une partie de leurs biens aux associations, ONG et oeuvres de bienfaisance. Pour celles-ci, les legs sont une source de financement bienvenue. Voire vitale pour leur budget.
Les Belges sont de plus en plus nombreux à ajouter une bonne cause à leur testament, si bien qu’on estime que les legs de ce type ont doublé entre 2006 et 2011, et même triplé entre 2011 et aujourd’hui. Le Belge se serait-il soudainement trouvé une vocation altruiste au moment de rédiger son testament ?
Pour Jean-Marc Montegnies, président de l’asbl Animaux en péril, cette augmentation du nombre de legs tient surtout à une évolution des mentalités : » Aujourd’hui, la mort est désacralisée et cela rend les gens plus généreux. Grâce à des campagnes d’information et de sensibilisation comme Testament.be, le legs à une bonne cause est en quelque sorte entré dans les moeurs. Les gens sont davantage conscients qu’on peut aider même après sa mort, il y a vraiment une dynamique positive. »
La communication n’est pas la seule cause de ce phénomène, d’après Patrice Macar, coordinateur Wallonie-Bruxelles de Testament.be : » Les personnes qui font des testaments à l’heure actuelle sont majoritairement issues de cette génération idéaliste et propice au partage née dans les années 1930 à 1950. Ces gens-là sont politiques, croient en quelque chose et ne veulent pas seulement transmettre un patrimoine, mais aussi des valeurs. C’est pourquoi ils lèguent souvent une partie de leur héritage à une association qui correspond à leurs idéaux. » Un climat favorable complété par deux éléments : le nombre relativement élevé de gens qui meurent sans avoir d’enfants et l’état du monde, qui apparaît de plus en plus préoccupant.
Legs en duo
Le don aux bonnes causes est également stimulé par la formule du legs en duo, fiscalement intéressante pour ceux qui n’ont pas ou plus de famille proche à qui léguer leur patrimoine. Elle permet de réduire les droits de successions du proche ou de l’ami bénéficiaire du testament en partageant son héritage entre celui-ci et une ou plusieurs associations, pour autant qu’elles soient reconnues d’utilité publique. L’organisme de bienfaisance prendra en charge tous les droits de succession à un taux préférentiel (7 % en Wallonie, 8,8 % en Flandre, entre 6,6 et 25 % à Bruxelles) et rétrocédera une partie convenue de l’héritage au proche désigné par le défunt. Celui-ci évitera de payer des droits qui peuvent allègrement dépasser les 60 % selon les Régions.
Si le legs en duo a certainement eu un rôle moteur dans le financement par testament des associations, Eric Todts estime que les autorités pourraient en faire plus. Pour ce gestionnaire de dossier à l’Association pour une éthique dans les récoltes de fonds (AERF), » le legs en duo reste un stimulant très relatif car certains conseillers financiers usent de la formule et, au final, il reste parfois très peu d’argent pour l’association. De plus, la Belgique est l’un des rares pays à encore prélever des droits de succession sur les legs aux associations. On peut mieux faire, d’autant plus que les legs aux bonnes causes sont un investissement indirect dans la société… »
Une ressource de premier plan
Même si certains pensent que des efforts supplémentaires pourraient être faits, cette évolution positive est salvatrice pour les associations, puisque beaucoup ne reçoivent aucun subside et vivent essentiellement grâce aux dons et aux legs. Tous les organismes ne sont cependant pas logés à la même enseigne : » Les legs sont très imprévisibles puisque l’association ne peut évidemment pas prévoir la date de décès de quelqu’un ni être forcément informée de la volonté d’un legs en sa faveur, souligne Eric Todts. Pour la majorité des ONG et autres organismes de bienfaisance, les legs ne sont donc pas prévus dans le budget et servent essentiellement aux investissements. Certaines associations plus grandes et plus connues – par exemple Médecins sans frontières, l’Unicef, la Fondation contre le cancer – ont cependant réussi à faire des legs une ressource presque stable. »
Animaux en péril fait également partie du lot puisque, pour l’association de protection animale, les legs représentent entre 40 et 60 % du budget annuel. » Depuis quelques années, les dons – surtout de grosses sommes – diminuent alors que les legs sont en hausse « , remarque Jean-Marc Montegnies. » En général, les sommes léguées débutent à 10 000 euros et peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros. On remarque une certaine constance d’année en année. Je pense que cela tient aussi bien au climat favorable qu’aux caractéristiques reconnues de notre association. »
Dans la majorité des cas, les organismes bénéficiaires connaissent en effet leurs légateurs et parfois même leurs intentions bien avant le décès. Il n’est cependant pas rare que les associations reçoivent des legs de personnes inconnues, mais qui ont été marquées par la cause qu’elles défendent. Autre tendance : les associations sont rarement seules à recevoir un legs. Elles le partagent le plus souvent avec d’autres organismes. Et, on l’a vu, avec d’autres légataires.
M.-E. R.
» Depuis quelques années, les dons diminuent alors que les legs sont en hausse »